Le canton de Vaud est sans doute le canton qui, le premier, a su tirer parti du précieux apport à l’archéologie que constitue la photographie aérienne. La ténacité des initiateurs, Denis Weidmann, le frais retraité de l’archéologie cantonale, et son collaborateur François Francillon, et la régularité des prises de vue nous valent de posséder plus de 12000 clichés à ce jour, témoins uniques de vestiges du passé que seul un peu d’altitude permet de contempler.

Quelques images seulement ont été choisies pour l’exposition tenue à l’Espace Arlaud en 2007 et pour le catalogue qui l’accompagnait. Elles suffisent à donner une idée de la richesse de la documentation à disposition. Avant de passer au commentaire des photographies, un chapitre introductif de Vu du ciel nous indique la démarche suivie par la Section de l’archéologie cantonale de l’État de Vaud: profitant surtout de deux saisons de sécheresse, en 1976 et en 2003, complétées par des vols ciblés, la carte archéologique du canton a été largement augmentée grâce à ce qu’il faut bien appeler la prospection aérienne. Celle-ci tient compte de trois types de rendu des vestiges: les structures apparentes, les ruines reconnaissables par leur relief et celles révélées par la croissance différenciée des végétaux, principalement des céréales.

Les résultats sont impressionnants et le catalogue fait une place appréciable à la photographie des sites sélectionnés, des vingt-et-une rangées de maisons de la station de l’âge du Bronze final de Chabrey, dans le lac de Neuchâtel, au tracé du canal d’Entreroches construit au XVIIe siècle et abandonné en 1829. Chaque période a droit à un témoin parlant, les photographies alliant esthétisme et prise stricte d’informations. La technologie apporte elle aussi des précisions, à travers les modèles numériques d’altitude à haute résolution permettant la lecture d’un relief même sous une couverture forestière, comme c’est le cas pour l’enceinte du «Château de la Motte» à Écublens. Le repérage d’un bâtiment avec abside et trois nefs, en 1976, à Orbe-Boscéaz conduira à sa fouille vingt ans plus tard et à la mise au jour d’un mithraeum, un sanctuaire dédié au dieu oriental Mithra. Dans ce survol, la préhistoire et la protohistoire sont désavantagées, laissant des témoins plus difficilement repérables, à l’exception des stations lacustres à l’exemple de Concise ou de Préverenges.

C’est l’époque romaine qui se targue du plus grand nombre de témoins paysagers, entre Vy d’Étraz à Orny, mausolées d’En Chaplix à Avenches, pourtour du domaine agricole d’Orbe-Boscéaz ou d’Yvonand-Mordagne et résidences de La Chaux, de Pomy, Champagne. Ursins a le rare privilège de connaître une église construite sur un temple encore visible; le village est devenu centre religieux gallo-romain depuis la révélation en 2003 d’au moins deux temples supplémentaires et de bâtiments attenants.

Du discret haut Moyen Âge à l’époque moderne, le panorama est vaste et laisse augurer nombre de découvertes que les vues ariennes auront permis de situer, pour une meilleure protection de notre patrimoine. En fin de lecture, le seul regret est de ne pas disposer d’un ouvrage rendant généreusement compte de ces archives exceptionnelles du passé vaudois.

Citation:
Michel Fuchs: compte rendu de: Denis Weidmann, Gervaise Pignat, Carine Wagner, Vu du ciel. archéologie et photographie aérienne dans le canton de Vaud, Catalogue d'exposition, Espace Arlaud, 29 septembre 2007-13 janvier 2008, Lausanne: Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, 2007, 119 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 117, 2009, p.290.