F. Breuillaud-Sottas: Evian mondain, l’âge d’or du thermalisme

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Titel
Evian mondain. L’âge d’or du thermalisme
Weitere Titelangaben
High society Evian. The golden age of spa


Autor(en)
Breuillaud-Sottas, Françoise
Erschienen
Cinisello Balsamo 2018: Silvana Editoriale
Anzahl Seiten
136 S.
ISBN
von
Ariane Devanthéry

Il est des catalogues d’exposition qui perdent une grande partie de leur intérêt une fois que l’exposition qu’ils annotent est terminée. D’autres sont plus autonomes et continuent à se lire avec profit bien après la fin de l’exposition qui les a initiés. C’est le cas de cet ouvrage, très richement et intelligemment illustré, qui raconte en une dizaine de chapitres bilingues (français et anglais) l’histoire thermale d’Evian, de ses origines aux années 1930.

Pour ce qui est de l’information, on peut faire confiance à son auteure, l’historienne Françoise Breuillaud-Sottas, qui est une spécialiste de l’histoire du tourisme, du thermalisme et de l’histoire culturelle du versant français du Léman. Tout dans ce livre dit sa maîtrise du sujet : des textes à la fois précis et concis, des sources nombreuses et variées, ainsi qu’un grand nombre d’illustrations, toujours adéquates, qui permettent non seulement de se faire une idée des différents états des lieux et des bâtiments évoqués, mais aussi de leurs usages comme espaces de cure, de divertissement ou comme ressource économique. Une belle mise en page valorise les images en leur donnant à la fois espace et ampleur.

L’histoire commence – comme il se doit – par une naissance, en deux volets : le mythifié et le réel. Après une rapide évocation du premier, l’historienne nous raconte en détail l’histoire du second. Elle remonte à ses sources – nombreuses – et à leurs usages. Sans chercher ici à résumer cette histoire, contentons-nous de quelques réflexions.

Quand on s’intéresse à l’histoire d’un lieu entré dans le monde du tourisme, il est toujours frappant de constater à quel point les pratiques des habitants diffèrent de celles des visiteurs. Le rapport au lieu, à ses bienfaits éventuels, à son paysage et au temps libre est à chaque fois fondamentalement autre. Même si les documents d’archives donnent rarement accès à la perception des locaux, on sait que ceux-ci ont longtemps pratiqué les lieux de manière utilitaire, sans esthétiser particulièrement leur environnement immédiat, pas plus qu’ils n’en ont fait un espace de détente ou de divertissement. Le temps du voyage ou du tourisme est, lui, très différent. Sorti du rythme régulier de l’habitude, il s’écoule et s’occupe autrement : en longueurs suspendues, en promenades, en discussions et divertissements, en pauses admiratives ou contemplatives. L’historien doit ainsi constamment envisager une double perspective, le même lieu ne racontant pas la même histoire selon qu’elle est celle de ses habitants réguliers ou de ses visiteurs. Une grande partie de la tension qu’installe le tourisme réside dans ces écarts, et l’histoire du thermalisme à Evian ne fait pas exception.

L’entrée en tourisme d’un lieu transforme donc les usages de celui-ci. Si les visiteurs commencent à occuper une place prépondérante, qui est très souvent facile à documenter, car très visible, il est plus difficile de retracer la présence des locaux. Leur place est cependant passionnante à étudier, car elle change fréquemment à ce moment-là, et pas toujours de la manière un peu passive que l’on a volontiers décrite. Les habitants comprennent en effet rapidement l’intérêt qu’ils trouveront à exploiter la nouvelle ressource qu’est le tourisme. Leur site, ils le mettent alors en valeur, le rendent accessible et créent des promenades et des espaces à danser. De l’entrepreneur au petit marchand, on les voit clairement proactifs, prompts à profiter eux aussi de cette nouvelle économie.

Et des entrepreneurs audacieux, à Evian, il y en a eu ! Des pères fondateurs qui ont commencé à exploiter les différentes sources en organisant une cure thermale sur place à ceux qui se sont renouvelés en exportant l’eau embouteillée sur toutes les tables, ce catalogue d’exposition dessine – sans pourtant avoir l’air d’y toucher – aussi bien l’histoire d’Evian que celle d’un développement industriel, tout en brossant le mode de vie et les loisirs de toute une société aisée au début du XXe siècle. Les traces matérielles de cette histoire y sont évoquées dans une grande diversité : des palaces aux instituts d’hydrothérapie, du casino aux installations d’Evian-Plage, des cruchons et verres de cure aux affiches publicitaires pour les bouteilles d’Evian, des menus de restaurants aux caricatures, de la construction de la ligne de chemin de fer à la nautilette des années 1930.

On l’a dit, les connaissances dont cet ouvrage témoigne s’appuient sur une très importante recherche en archives. Archives privées, archives départementales de la Haute-Savoie, archives de la presse suisse, elles sont nombreuses à avoir été fouillées et exploitées, les légendes des illustrations et les références des citations le démontrant à toutes les pages. La présence marquée des sources helvétiques trahit que l’histoire du thermalisme à Evian participe d’une histoire plus large, celle du tourisme autour du Léman, qui a commencé à voir ses premières occurrences dès la fin du XVIIIe siècle. Opposer les deux rives du lac n’a pas de sens ici, où elles ne font que se compléter. C’est ainsi volontiers que l’on trouve, dans la presse helvétique, matière à faire l’histoire de la promotion d’Evian (peut-être aussi parce qu’on y trouvait une partie de sa clientèle ?), la Feuille d’Avis de Lausanne publiant, dès 1783, des annonces pour des maisons à louer, ou la Gazette de Lausanne imprimant, en 1930, une publicité de la Direction du Casino jouant sur l’antiphrase : « Le casino d’Evian ne fait pas de publicité. Sa clientèle élégante s’en charge. » On pourrait paraphraser cette dernière citation en disant que cet ouvrage n’a pas besoin d’assurer sa promotion, car ses lecteurs s’en chargent.

Zitierweise:
Ariane Devanthéry: Françoise Breuillaud-Sottas: Evian mondain, l’âge d’or du thermalisme. High society Evian. The golden age of spa, Cinisello Balsamo : Silvana Editoriale, 2018. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 215-217.

Redaktion
Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 215-217.

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