E. Simonato u.a. (Hrsg.): Les communautés suisses de Crimée et de la mer Noire

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Titel
Les communautés suisses de Crimée et de la mer Noire: langues et traditions.


Herausgeber
Simonato, Elena; Ivanova, Irina; Giolitto, Marco
Reihe
Cahiers de l’ILSL
Erschienen
Lausanne 2017: Cahiers de l’Institut de linguistique et des sciences du langage de l’Université de Lausann
Anzahl Seiten
244 S.
von
Jean-Baptiste Blanc

Dans le cadre des Cahiers de l’Institut de linguistique et des sciences du langage de l’Université de Lausanne, trois collaborateurs de la section des langues slaves et d’Asie du Sud de ladite université ont édité, sur la base d’une conférence organisée en octobre 2016, un recueil portant sur l’émigration suisse vers l’Empire russe au XIXe siècle et sur les communautés qui en ont résulté.Le recueil, qui réunit des contributions issues de diverses disciplines académiques, est implicitement constitué de trois parties, la première d’ordre historique, la deuxième d’ordre linguistique, la troisième spécialement consacrée à la colonie vaudoise de Chabag, sur la mer Noire. Le cadre historique est avantageusement apporté par les contributions des historiens Peter Collmer et Olivier Meuwly, qui replacent de façon aussi succincte qu’efficace l’émigration suisse dans le contexte respectivement suisse et vaudois de l’époque. S’ensuit, dans le registre historiographique, une contribution de Sergey Kashchenko, Elena Kashchenko et Irina Ivanova, qui dressent un inventaire du matériau des archives d’État de Moscou, de Saint-Pétersbourg et de diverses régions russes portant sur l’émigration suisse vers la Russie, matériau que les auteurs décrivent comme encore insuffisamment exploré.

Une fois le cadre historique et historiographique posé, le centre d’attention se déplace vers la linguistique. Pour autant, en raison sans doute du caractère limité du matériau documentaire existant quant aux parlers des communautés suisses en Russie, qu’il s’agisse de la colonie zurichoise de Zürichthal en Crimée ou de celle, vaudoise, de Chabag sur la mer Noire, toutes deux dissoutes de force par le régime soviétique dans les années 1940, l’espace consacré spécifiquement aux communautés suisses dans cette partie du recueil se résume à la portion congrue. Seule la contribution de Maria Miretina et Mikhail Marousenko s’y rapporte explicitement, bien que de fait les auteurs proposent, de fait, surtout une typologie des locuteurs de langues en danger. L’absence des Suisses dans cette partie du recueil est toutefois largement compensée par trois contributions intéressantes, rédigées respectivement par Lorenzo Tomasin, Marina Samarina et Svetlana Kokoshkina, sur l’émigration italienne vers la Crimée et la mer Noire. Enfin, dans la contribution la plus étendue du recueil, Vittorio Dell’Aquila et Gabriele Iannaccaro proposent une discussion théorique et assez technique, quoique parfaitement accessible à un public non-linguiste, sur les enjeux et les difficultés de la cartographie des données linguistiques.

Enfin, la dernière partie du recueil est consacrée spécifiquement à la colonie vaudoise de Chabag. Le journaliste Olivier Grivat trace, dans un premier temps, les grandes lignes de l’établissement et de la vie de la colonie, décrit les tentatives actuelles de mise en valeur de l’héritage suisse à Chabag, notamment du point de vue de la viticulture, et retrace le parcours d’un des « derniers Mohicans » de la colonie, Paul Thévenaz, qui, déporté de la colonie avec ses parents en 1944 alors qu’il était âgé d’une année, est retourné vivre à Chabag après l’effondrement du régime soviétique. S’ensuit une contribution d’Elena Simonato, linguiste de l’Université de Lausanne, qui dresse un panorama des (rares) recherches linguistiques russes et soviétiques existantes sur Chabag et porte en particulier son attention aux travaux de la romaniste soviétique Melitina Borodina, qui dans les années 1960 a consacré plusieurs articles aux parlers français de Chabag. Elena Simonato présente en outre deux articles anciens, reproduits à la suite de sa contribution. Le premier, qui est l’oeuvre du linguiste roumain Vasile Dulamangiu en 1939, est antérieur à la dissolution de la colonie. Le second, rédigé en 1963 par Melitina Borodina, est postérieur de presque vingt ans à la dissolution de la colonie, ce décalage temporel contraignant l’auteure à baser ses observations d’une part sur le matériau récolté par Dulamangiu, d’autre part sur des entretiens réalisés avec des individus qui ont pu demeurer à Chabag après 1944 au bénéfice d’un mariage mixte, mais dont la connaissance et la pratique du français apparaît avoir été, à l’époque où Borodina a visité Chabag, au début des années 1960, pour le moins limitée. En résumé, le caractère impressionniste et très essentiellement lexical des observations de Dulamangiu d’une part, le statut au mieux résiduel du français à Chabag au moment de la visite de Borodina d’autre part, impliquent de lire ces deux textes avec une certaine prudence et de les envisager autant, spécialement pour ce qui est du texte de Dulamangiu, comme des témoins de la linguistique de l’époque que comme des sources sans failles sur le français de Chabag. Par exemple, on ne pourra que rester dubitatif face à l’idée, énoncée par Dulamangiu, selon laquelle l’influence russe est à l’origine du fait que les locuteurs francophones de Chabag disent « Quelles pommes de terre il faut prendre, les nôtres ou les achetées ? » à la place de « Faut-il prendre nos pommes de terre, ou celles que nous avons achetées ? » (p. 225). Il n’en reste pas moins que la lecture de ces deux articles est tout à fait plaisante, ne serait-ce que pour la liste d’une cinquantaine d’items lexicaux qu’ils contiennent, certains immédiatement reconnaissables (par exemple « bouèbe », « pouet », « tablar »), d’autres plus obscurs (par exemple « gandaises », dans le sens de « choses peu vraisemblables », ou « s’akamakier » dans le sens de « s’embrouiller »).

Zitierweise:
Jean-Baptiste Blanc: Elena Simonato, Irina Ivanova, Marco Giolitto (éd: Les communautés suisses de Crimée et de la mer Noire : Langues et traditions, Lausanne : Centre de linguistique et des sciences du langage, Université de Lausanne, 2017. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 207-208.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 207-208.

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