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Titel
Jean Capodistrias. Artisan de la neutralité suisse: Père de l’indépendance grecque


Autor(en)
Domme, Bridget
Erschienen
Bière 2018: Editions Cabédita
Anzahl Seiten
79 S.
von
Olivier Meuwly

Heureuse initiative que celle prise par les Éditions Cabédita de redonner vie à l’une des personnalités les plus fascinantes de l’histoire suisse… bien qu’elle ne soit pas suisse : Jean Capodistria ! Démarche encore plus étonnante : le petit ouvrage rédigé par Bridget Dommen s’adresse… aux jeunes ! Extraordinaire Capodistrias… Car Jean Capodistrias, mais qui orthographiait parfois son nom à la française et en un ou deux mots selon les circonstances (Capo d’Istria), est devenu un acteur important de trois histoires nationales : la Grèce, dont il est un ressortissant, bien que Corfou, où il naît en 1776, appartienne alors à Venise ; la Russie où il est engagé comme conseiller diplomatique au service d’Alexandre Ier ; la Suisse, enfin, où le même Alexandre l’envoie en 1813 pour résoudre la complexe situation de ce pays fiché au coeur du massif alpin et qu’il s’agissait de « neutraliser » après la chute de Napoléon.

Malgré sa vocation pédagogique, puisque prévu pour un public jeune, l’ouvrage richement illustré ne tombe pas dans le piège de l’hagiographie. L’auteure dépeint un Capodistrias dans sa réalité humaine, raconte comment le jeune médecin formé à Padoue, par haine de l’occupant français, se rallie à la cause russe, mais sans jamais perdre de vue son objectif ultime : l’indépendance de ce qu’il ressent comme son pays authentique, celui pour lequel son âme vibre, la Grèce. Dans les diverses missions que le tsar lui confie, jamais il ne sacrifie sa passion hellénique à son étiquette de serviteur du pouvoir russe, même lorsqu’il aura accédé au rang de ministre des Affaires étrangères de l’empire des steppes. Son allégeance à sa patrie lui sera d’ailleurs fatale : soupçonné d’intriguer contre les Turcs depuis son bureau de Saint-Pétersbourg, il est condamné à choisir. En 1822, la mort dans l’âme, le tsar accepte sa démission.

L’épisode helvétique de la brillante carrière de Capodistrias est essentiel. On pardonnera à l’auteure certaines approximations historiques tant il était urgent de restituer à ce personnage sa place dans notre histoire grâce à une publication facile d’accès. Lorsque Alexandre désigne ce républicain pour s’occuper des affaires de la turbulente et irrémédiablement divisée Helvétie, parce qu’il savait que seul un républicain pourrait aider les Suisses à comprendre où était leur intérêt, sa décision ne déclenche aucun enthousiasme dans nos contrées. Frédéric-César de la Harpe, ancien précepteur d’Alexandre et qui obtiendra de son ancien disciple la garantie de l’indépendance vaudoise, se méfie. Les Vaudois comprendront cependant vite le « cadeau » que leur a fait Alexandre. Il contribuera de façon décisive à démêler l’imbroglio helvétique et s’attirera la reconnaissance éternelle des Vaudois. Mais des Genevois aussi : avec Pictet de Rochemont, il organise le futur rattachement de la République à la Confédération dans des frontières qui ne transforment pas la cité de Calvin en une île perdue dans les marches d’un royaume de France restauré et peu enclin à céder des territoires à son ancien satellite helvétique. Les amitiés suisses de Capoditrias seront inébranlables : La Harpe et Pictet bien sûr, mais aussi le banquier Eynard, qui tentera par tous les moyens à rendre la future Grèce viable sur le plan économique.

Mais, alors que l’astre Capodistrias semble avoir atteint son zénith avec son élection à la présidence de la République grecque en 1827, les événements se précipitent, la catastrophe guette. Il s’engage corps et âme dans la création de cette fragile république, – dont le Sultan ne reconnaîtra les frontières que trois ans plus tard – multiplie les décrets, se bat sur tous les fronts. Toutefois, son activisme l’oblige à froisser maintes susceptibilités, notamment celles de ses anciens alliés lors des guerres d’indépendance. Reclus dans son cabinet de travail, persuadé d’avoir raison contre tout le monde, Capodistrias voit le cortège de ses ennemis s’allonger. C’est l’un d’eux qui l’assassine le 9 octobre 1831, à Nauplie.

Zitierweise:
Olivier Meuwly: Bridget Domme: Jean Capodistrias : Artisan de la neutralité suisse : Père de l’indépendance grecque, Bière : Cabédita 2018. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 197-200.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 197-200.

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