J.-C. Rebetez u.a. (Hrsg.): De la crosse à la croix

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Titel
De la crosse à la croix. L’ancien Evêché de Bâle devient suisse (Congrès de Vienne – 1815)


Herausgeber
Rebetez, Jean-Claude; Bregnard, Damien
Erschienen
Neuchâtel 2018: Éditions Alphil
von
Alain-Jacques Tornare

Cet ouvrage collectif est en quelque sorte le pendant jurassien de l’ouvrage de 2017 sur Le Congrès de Vienne et le Canton de Vaud 1813-1815 (BHV 2017), dont il complète plusieurs aspects. Qui veut comprendre la complexité de la question jurassienne doit impérativement lire cet ouvrage qui en donne les clés de compréhension et les conditions-cadres expliquant les soubresauts des siècles suivants. L’ancien Évêché de Bâle est la région de la Confédération la plus bouleversée et malmenée par l’histoire au temps du passage de l’ère moderne à l’ère contemporaine. Allié des Suisses sous l’Ancien Régime en partie couverte par la neutralité, en partie liée au Saint-Empire romain germanique, offrant à la France révolutionnaire sa toute première-soeur en 1793, absorbé progressivement par la République française puis partie intégrante de l’Empire dans son intégralité, ce territoire aura connu, de 1792 à 1814, six changements de régime, processus qui « s’est accompagné d’un constant affaiblissement de son statut politique » (p. 29). Cette zone périphérique est pourtant un point majeur de consolidation stratégique et de crédibilisation de l’espace confédéral face aux grandes puissances dont elle jouxte les confins (voir p. 21). Malgré sa modeste superficie, elle résume la Suisse plurielle avec ses diversités historiques, ses langues et ses confessions enchevêtrées. À ce titre, la première partie de l’ouvrage fort de 75 pages nous entraîne bien au-delà des limites de l’ancien évêché pour nous amener à une meilleure compréhension des tenants et aboutissants de la Suisse revue et corrigée sortie des coulisses du Congrès de Vienne. En 1814-1815, ce territoire si hétérogène baigne dans la plus grande incertitude quant à son avenir : maintien partiel au sein du royaume de France (p. 108), création d’un canton à part entière, voire de deux demi-cantons (pp. 80, 89-90, 94, 102, 105, 107, 109, 111, 138, 144, 190), partage entre ses voisins ? Ce pays — faisant office, sur le plan géopolitique, de variable d’ajustement — finira lot de consolation pour un canton de Berne définitivement privé de son sellier vaudois et de son grenier argovien.

Il ressort à la lecture de ces différents travaux que les Jurassiens sont (déjà) profondément divisés. Jean-Claude Rebetez constate que l’« indocilité du sud, l’opposition farouche de Bienne et les démarches non coordonnées et contradictoires des régions du nord en direction de Bâle, Soleure ou la Diète minent la crédibilité du projet cantonal » (p. 111), tandis que la prévôté de Moutier et La Neuveville optent spontanément pour Berne (pp. 24, 28, 88, 107, 115).

L’ouvrage montre combien les habitants ont été trimbalés d’un projet à l’autre sans avoir prise sur des événements impliquant les grandes puissances de l’époque. Plusieurs travaux, dont celui de Marco Jorio en particulier, confirment que la Confédération se reconstitue et se structure selon la volonté des Puissances qui la parrainent, contre la volonté de nombreux Suisses (pp. 21,39, 40-43, 68-71, 56, 79, 86, 116). Dans le concert des nations, la Suisse a rarement pu jouer sa propre partition et le Jura faire entendre sa voix, du moins jusqu’au siècle dernier. Il ne fait jamais bon se trouver au point de contact des zones francophones et germaniques, en instabilité au coeur de l’équilibre européen. L’influence française s’y fait encore clairement sentir sur la longue durée, comme le montre en particulier Damien Bregnard (pp. 149-150, 153, 162. Voir aussi pp. 194, 219).

Nous ne pouvons citer ici une à une ces contributions toutes d’un grand apport. On relèvera tout particulièrement l’éclairante synthèse introductive de Jean-Claude Rebetez, laquelle présente les faits saillants et les articulations chronologiques majeures de la période. De même, soulignons la subtile réflexion menée par Irène Herrmann sur la notion de Restauration. Tout à la fin, une chronologie en trois couleurs (pp. 243-245) permet de s’y retrouver dans ce périmètre aux ramifications multiples, complétée judicieusement par des notices thématiques (pp. 249-253) et un index bienvenus.

Au final, pas moins de dix contributions, dont trois en allemand, chacun des textes étant pourvu d’un résumé dans l’autre langue. Osons néanmoins un petit bémol au sujet de la carte de la Suisse (pp. 246-247) qui ne fait pas apparaître l’agrégation du Cerneux-Péquignot au canton de Neuchâtel et l’intégration définitive de Tarasp aux Grisons.

Zitierweise:
Alain-Jacques Tornare: Jean-Claude Rebetez, Damien Bregnard (dir.): De la crosse à la croix. L’ancien Évêché de Bâle devient suisse (Congrès de Vienne — 1815), Neuchâtel : Alphil, 2018. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 197-198.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 127, 2019, p. 197-198.

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