F. Guisan: Cours de droit civil du Canton de Vaud, 1875

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Titel
Cours de droit civil du Canton de Vaud, 1875.


Autor(en)
Guisan, François
Erschienen
Lausanne 2015: Bibliothèque historique vaudoise
Anzahl Seiten
535 S.
von
Cédric Ballenegger

La Bibliothèque historique vaudoise nous livre par son cent quarante et unième volume un ouvrage bien particulier. Si cette collection sert habituellement à la publication de travaux de recherche, souvent thèses ou mémoires, elle s’ouvre cette fois à l’édition d’une source historique restée jusqu’ici manuscrite, le Cours de droit civil du Canton de Vaud du professeur François Guisan, tel que donné à l’Académie de Lausanne vers 1875. La publication, réalisée par les professeurs Denis Piotet et Denis Tappy, se base principalement sur une série de cahiers déposés à la Bibliothèque cantonale et universitaire et provenant apparemment de Guisan lui-même. Les éditeurs donnent de plus en note de bas de page les indications qui permettront de retrouver les lois, commentaires ou arrêts sur lesquels ce dernier appuie sa pensée. En prime, ils ajoutent au texte du Cours la reproduction de divers textes relatifs aux travaux législatifs menés à l’époque par le gouvernement et le Parlement vaudois, ainsi que des précisions sur l’origine du texte légal. Le volume présenté ici n’est que le premier tome d’une série de trois. Les deux tomes restants devraient paraître prochainement.

Le Cours de droit civil de Guisan prend appui sur les dispositions du Code civil du canton de Vaud du 11 juin 1819, progressivement complété par d’autres lois cantonales tout au long du XIXe siècle. Quant au moment auquel ce cours est donné, soit, grosso modo, l’année 1875, il s’inscrit dans une période charnière. Depuis l’accession à l’indépendance en 1803, le canton jouit du droit de légiférer lui-même dans tous les domaines. Les limites qui résultent de l’Acte de Médiation de 1803 et du Pacte fédéral de 1815 sont à peu près nulles. La Constitution fédérale de 1848 n’est guère plus contraignante. Il faut attendre la Constitution fédérale de 1874 pour que débute un processus d’uniformisation lent, mais implacable du droit au niveau suisse. Toutefois, en 1875, aucune loi fédérale n’empiète encore sur le droit civil cantonal. La loi fédérale du 24 décembre 1874 sur l’état civil, les registres qui s’y rapportent et le mariage ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 1876. Le Cours de Guisan nous offre dès lors une vue sur le droit vaudois au summum de son extension.

La matière publiée dans ce premier tome comprend le Titre préliminaire du Code (non-rétroactivité des lois, conflits de lois avec le droit étranger, règles d’interprétation, protection de l’ordre public et des bonnes moeurs), ainsi que les chapitres relatifs au droit des personnes, avec la jouissance des droits civils (règles sur la nationalité et la mort civile), l’état civil (forme et tenue des registres, contestations), le domicile, l’absence (la «disparition» d’une personne), le mariage (sans le régime matrimonial), le divorce (et certains de ses effets), la paternité et la filiation, la puissance paternelle, la minorité, la tutelle des mineurs et l’émancipation, la majorité, l’interdiction (tutelle des adultes) et le conseil judiciaire des femmes (tutelle des femmes), de même que les droits réels, avec les règles de classification des différents types de biens, la propriété, l’usufruit, les droits d’usage et d’habitation, et finalement les servitudes. On relèvera que le droit vaudois de l’époque ne prévoyait pas l’adoption.

Le Cours de Guisan est conçu comme un commentaire article par article du Code. Cette méthode a l’avantage de bien mettre en évidence le texte légal. Chaque passage du Cours commence donc par la citation de l’article étudié, ce qui s’avère d’autant plus utile que le Code civil de 1819 (comme plusieurs autres codes vaudois du XIXe siècle) ne fut pas publié au Recueil officiel des lois et que les éditions anciennes se font rares. L’ampleur du commentaire n’est pas à comparer avec ce que l’on trouvera de nos jours dans un ouvrage de ce type. La science juridique, comme la science tout court, a progressé depuis un siècle et demi, et c’est rassurant. Les explications de Guisan sont cependant d’une grande clarté et l’ouvrage se parcourt facilement en lecture cursive. Le texte légal lui-même, largement repris du Code Napoléon (Code civil français de 1804), s’avère bien plus concis et efficace que celui de nos lois actuelles, mais il est vrai qu’il ne résulte pas d’une traduction de l’allemand… Cela étant, le degré de précision et de systématique de ses dispositions n’atteint pas celui du droit moderne.

La lecture du Cours de droit civil de Guisan nous rappelle également les difficultés, aujourd’hui incongrues, auxquelles les juristes devaient faire face autrefois en raison du manque de connaissances techniques et de l’absence de moyens de communication. Établir un lien de filiation avec le père, voire avec la mère, relevait de la pure conjecture, et la simple condition des personnes était difficile à prouver en dehors d’un espace géographique restreint. L’action en paternité fut ainsi supprimée en 1855 comme donnant lieu à trop d’incer titudes. Dans le même temps interviennent certaines évolutions essentielles. La tutelle permanente des femmes est supprimée en 1873, par exemple. Le divorce par consentement mutuel existe quant à lui d’emblée, selon la tradition réformée.

Les annexes à l’édition telles que bibliographie ou table des matières ne seront publiées qu’avec le troisième tome. S’il faut faire une critique à l’ouvrage, elle s’adressera à la mise en page. Italique, pas italique, grande police, petite police, très petite police, texte d’origine, ajout, commentaire, le lecteur s’y perd un peu, sans compter un entremêlement malheureux de pages vers la fin. Peut-être serait-il possible d’améliorer la lisibilité des tomes à venir.

Dans son introduction, le professeur Piotet exprime le souhait que, par la publication du cours de Guisan, deux objectifs soient atteints : rendre disponible cette source considérable du droit vaudois et offrir une clef d’entrée enrichie dans l’ancien droit civil cantonal, grâce à laquelle des recherches plus pointues pourront s’ouvrir. Pour avoir dû nous-mêmes, il n’y a pas si longtemps, faire l’exercice de la lecture de ces documents (encore que la calligraphie des cahiers de Guisan, si elle est de lui, soit très belle), nous pouvons sans peine témoigner de la grande utilité de l’oeuvre en cours. Puissent maintenant de nombreux chercheurs, ici, et (qui sait ?) ailleurs, tirer profit de ce travail.

Zitierweise:
Cédric Ballenegger: François GUISAN: Cours de droit civil du Canton de Vaud, 1875, t. I, texte annoté et référencé par Denis Piotet, préface de Denis Tappy, Lausanne: Bibliothèque historique vaudoise, 2015. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 124, 2016, p. 288-290.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 124, 2016, p. 288-290.

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