M. Lütscher (Hg.): Schnee, Sonne und Stars

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Titel
Schnee, Sonne und Stars. Wie der Wintertourismus von St. Moritz aus die Alpen erobert hat


Herausgeber
Lütscher, Michael
Erschienen
Zürich 2015: Neue Zürcher Zeitung - Buchverlag
Anzahl Seiten
272 S.
von
Tissot Laurent

La question peut paraître incongrue: pourquoi l’hiver des montagnes a-t-il pu devenir un objet d’attraction, de loisir, de jeu, de sports, de bien-être, d’ivresse et de bonheur? Pourquoi chercher à faire venir des êtres humains dans des régions couvertes de neige et de glace, difficiles d’accès à cause de ces conditions et inhospitalières dès lors qu’on y cherchait un gîte et un couvert? Des habitants y vivaient, mais quand ils n’étaient pas obligés de sortir pour le travail, ils restaient calfeutrés à l’intérieur de leur logis, impatients de voir la nature renaître au printemps. À la fin du XIXe siècle, la question n’avait rien d’incongrue. Dans un ouvrage fameux paru en 1876 – Le terrain de jeu de l’Europe –, l’alpiniste anglais Leslie Stephen l’avait d’ailleurs clairement posée. Dans la plupart des régions alpines, le tourisme suscitait les plus grandes attentions depuis une centaine d’années et amenait son lot croissant de visiteurs et de visiteuses. Mais la saison ne durait que cinq mois (mai-septembre) et les rentabilités hôtelières étaient à la mesure de cette saisonnalité. Hors saison, les hôtels restaient fermés, vides de toute présence humaine parce que la montagne ne présentait aucun intérêt.

C’est à cette question que, sous la direction de Michael Lütscher, plusieurs auteurs se sont attelés, question qui n’est pas réduite à la simple dimension économique. À travers l’exemple de St. Moritz, berceau du tourisme d’hiver en Suisse, mais pas exclusivement, l’ouvrage détaille les mécanismes de développement, de transformation, d’appropriation et de reconversion qui fondent aujourd’hui cette activité et qui l’amènent à porter la destinée de maintes régions de montagne. En devenant un or blanc, la neige cessait d’être vue comme un obstacle supplémentaire à la rude vie en montagne. Adoptant une approche chronologique fondée sur une très vaste bibliographie ainsi qu’une intelligente utilisation de diverses sources (manuscrites et visuelles), il parvient à saisir les grands moments de cette histoire longue maintenant de près de 150 ans. En dix chapitres d’une vingtaine de pages chacun et parsemés d’encarts développant des thématiques particulières, Michael Lütscher et ses collègues réussissent à synthétiser une page essentielle de la vie sociale, économique et culturelle de la Suisse tant, on le sait maintenant, le tourisme a pesé sur son essor et son imaginaire. Il ne se confine pas à une histoire héroïque même si parfois le style et quelques présentations peuvent le laisser croire. L’analyse est sérieuse, critique, référencée; elle sert donc aux chercheurs et chercheuses dont on attend qu’ils et elles se multiplient. Car agissant tels des miroirs grossissants sur les grandes étapes d’évolution, ce qui nous est dit dans l’ouvrage reste encore en deçà d’une compréhension pleine et entière du phénomène.

Plusieurs pages méritent cependant qu’on s’y arrête parce qu’elles sont réellement novatrices, notamment sur les aspects techniques et économiques – fabricants de ski et de matériel (bonnets, chaussures, tricots mais aussi remontées mécaniques et téléphériques), sponsoring (avec l’implication notamment des grandes banques), supports sportifs (courses, jeux olympiques) à l’essor des activités hivernales –, mais aussi les aspects environnementaux (réactions au réchauffement climatique, pression sur les écosystèmes alpins), ou encore socio-culturels (impacts de la mode, utilisation de l’image féminine, mais aussi du champion et de la championne dans la publicité, émergence des écoles de ski et du ski scolaire). Bref, et c’est l’idée centrale du livre, les sports d’hiver donnent le ton aux changements qu’ont connus non seulement la montagne suisse, européenne ou mondiale – la comparaison peut être aisément faite –, mais la société dans son ensemble. Ils ne sont pas les simples réceptacles des humeurs et des caprices des milieux urbains utilisant la montagne comme un faire-valoir et peu soucieux de ses habitants comme on peut encore l’affirmer jusqu’au milieu du XXe siècle. Mais avec les Trente Glorieuses, la société de consommation de masse assure aux sports d’hiver une nouvelle dimension qui, d’une part, façonne les attentes de générations avides de liberté, de vacances, de rencontres et d‘expériences et, d’autre part, détermine de nouvelles façons de vivre où l’innovation est loin d’être absente. La démocratisation du ski apporte son lot d’embarras mais, en même temps, change le regard porté sur les hauteurs. À ce titre, avec les sports d’hiver, la montagne accède au rang de modèle et d’incitatrice après avoir, pendant très longtemps, été synonyme de repli, d’atavisme, de retard. Le «small is beautiful» se conjugue dorénavant au «high is beautiful» jusqu’à ce que les changements climatiques et peut-être aussi une saturation ne les remettent en question. À cet égard, les dernières pages évoquent les défis auxquels le tourisme hivernal helvétique doit faire face.

Relevons encore que l’ouvrage livré est d’une très belle facture, richement illustré, mais nullement limité dans l’appareil critique. Ce qui est heureux dès lors que certains éditeurs en viennent parfois à rendre incompatibles le «beau» livre et le livre «scientifique».

Zitierweise:
Laurent Tissot: Michael Lütscher (Hg.): Schnee, Sonne und Stars. Wie der Wintertourismus von St. Moritz aus die Alpen erobert hat, Zürich: Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2015. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 69 Nr. 1, 2019, S. 187-189.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 69 Nr. 1, 2019, S. 187-189.

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