G. Hürlimann u.a. (Hrsg.): Lobbying. Die Vorräume der Macht

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Titel
Lobbying. Die Vorräume der Macht – Les antichambres du pouvoir


Herausgeber
Hürlimann, Gisela; André, Mach; Anja, Rathmann-Lutz; Janick Marina, Schaufelbuehl
Erschienen
Zürich 2016: Chronos Verlag
Anzahl Seiten
268 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Joël Swai Praz

En ces temps où la question des élites au pouvoir et des liens qu’elles entretiennent avec les lobbies soulèvent de nombreuses questions et également une demande d’un contrôle accru, cet ouvrage propose d’apporter sa pierre à un domaine encore relativement peu étudié en Suisse. Il recueille principalement des contributions historiques auxquelles s’ajoutent quelques articles de chercheurs en sciences politiques. Le volume nous permet de découvrir différents types de lobbyismes dans des contextes très différents. Afin de contextualiser le champ de recherche, une introduction présente rapidement l’historiographie globale du lobbyisme et des différents courants qui ont existé, et replace la Suisse dans son cadre néocorporatiste. Les auteurs soulignent que, dans le cas suisse, cette catégorisation doit être nuancée en raison des instruments de démocratie directe, laquelle l’agenda politique.

Un article de Pepper D. Culpepper vise à poser le cadre théorique. D’après ce chercheur, le pouvoir des lobbies augmente au fur et à mesure que l’intérêt du public pour un sujet diminue. Ce qui est déterminant dans la possibilité d’un acteur à faire prévaloir ses intérêts par du lobbyisme dépend de la «political salience» du sujet en question. En effet, si le public est attentif, les politiciens doivent prendre ce fait en compte car il en va de leur intérêt politique immédiat et les groupes d’intérêts ont dès lors moins de poids dans les décisions. Ceci va de pair avec le cadre dans lequel sont prises les décisions, il peut être très formel, comme le Parlement, ou alors moins, lorsque les décisions sont prises «derrières des portes closes». La suite de l’ouvrage se divise en quatre parties, la première comporte trois études sur les cas de lobbying durant les époques médiévale et moderne. Philippe Rogger, s’intéresse aux stratégies mises en place par les seigneurs de guerre européens autour de 1500 pour accéder, par clientélisme notamment, au marché des mercenaires de la Confédération. De son côté, Andreas Würgler étudie la correspondance, durant la guerre de Trente ans au 17e siècle, de la famille patricienne bernoise des Erlach dans un cas de lobbying par correspondance ou réseau familial. L’auteur s’intéresse aux tentatives faites par la famille pour influencer le Conseil de Berne ou la Diète fédérale. Les membres de la famille Erlach en question, Franz Ludwig et Hans Ludwig, cherchent par là à obtenir des charges politiques ou des postes d’officiers dans le commerce des mercenaires. Enfin, Isabelle Schürch recherche quelles formes a pu prendre le processus de représentation d’intérêts au 14e siècle dans le royaume de l’évêque de Bâle, dans le cadre d’une dispute légale.

Le second chapitre du livre se penche, avec quatre recherches, sur les associations économiques et leur implication dans le processus de décision fédérale. Tout d’abord, Marion Ronca s’intéresse aux grandes associations syndicales et patronales dans la définition de la politique conjoncturelle durant la période d’aprèsguerre. Ces dernières mènent, à partir de 1947, une nouvelle forme de coopération avec le gouvernement de part leur incorporation au processus législatif. Ensuite, Manuel Dür montre, lors de l’opposition entre l’industrie pharmaceutique (par le biais d’Interpharma) et du Concordat suisse des caisses maladies au sujet de la révision de la Loi sur les brevets de 1954, comment un accord entre les deux acteurs scelle l’acceptation de la loi. Dür propose une analyse en fonction du cadre théorique de Culpepper exposé au début du livre. Roman Wild s’intéresse quant à lui, dans le cadre de la crise des années 1930, au rôle des secrétaires patronaux, archétypes des lobbyistes modernes, et à leurs activités de communication ainsi qu’aux conséquences induites au processus législatif. Wild trouve un cas d’exemple dans l’industrie de la chaussure. Enfin, Andrea Franc étudie la «Schoggigesetz» de 1975, ce qui lui permet de montrer que les acteurs, pour gagner un scrutin majoritaire, doivent souvent faire des alliances avec d’autres acteurs, ce qui est le cas ici du Vorort qui soutient la position des milieux paysans.

Le troisième chapitre, «Autres groupes et impacts sur le processus législatif», s’intéresse à des groupes n’ayant pas d’accès institutionnalisé ou direct à l’administration ou au Parlement. Ces groupes développent dès lors des stratégies différentes, notamment plus conflictuelles et utilisent la mobilisation de leurs membres ou encore ont recours aux outils de démocratie directe. Anna Eigenmann s’intéresse aux campagnes de terrain et aux contacts privilégiés avec des politiciens de l’administration par la Soziale Käuferliga des Schweiz. C’est donc par diverses mobilisations, durant la première moitié du 20e siècle, que cette organisation s’active en faveur de la protection du travail à domicile. Ensuite, Thierry Delessert s’intéresse au processus qui va restructurer et renforcer diverses organisations homosexuelles de par leur consultation lors du processus, durant les années 1970, de révision du code pénal de 1942. Enfin, la contribution de Steven Eichenberger, André Mach, Andrea Pilotti et Frédéric Varone s’intéresse aux parlementaires fédéraux directement et montre l’évolution de leurs liens d’intérêts. Cet article montre qu’au fil du temps, depuis les années 1970, les associations économiques traditionnelles perdent en importance au profit des groupes d’intérêt public.

Le quatrième et dernier chapitre compte quatre articles qui s’intéressent aux «Expériences cantonales». Dans un premier temps, Brigitte Ruckstuhl et Elisabeth Ryter s’intéressent à la promotion des causes des femmes au travers de l’action et des succès de la Zürcher Frauenzentrale en tant qu’association faîtière de diverses associations féminines. Ensuite, Gérard Duc et Olivier Perroux, eux aussi en s’inspirant du cadre d’analyse de Culpepper, étudient l’impact des lobbies routiers dans deux villes suisses, Genève et Bâle, l’enjeu étant le démantèlement des tramways. Le résultat très différent entre les deux cas permet de mettre en évidence l’importance de l’arène dans laquelle est débattue la question. Quant à elle, Flavia Grossmann s’intéresse particulièrement l’action de Crisitina Allemann-Ghionda, une figure centrale derrière l’organisation de diverses initiatives pour les migrants à Bâle-Ville, ceci dans le contexte chargé des années 1960–1970, durant lesquelles de nombreuses initiatives anti-immigration ont lieu notamment au niveau fédéral. Enfin, Mariama Kaba étudie les débuts (1950–1970) de l’Association genevoise des parents d’enfants infirmes moteurs cérébraux, qui met notamment en lumière l’influence que peuvent avoir les associations de défense des personnes infirmes sur la société civile, ici en participant activement au développement de la politique de leur prise en charge.

Zitierweise:
Joël Swai Praz: Rezension zu: Gisela Hürlimann, André Mach, Anja Rathmann-Lutz, Janick Marina Schaufelbuehl (Dir.), Lobbying. Die Vorräume der Macht – Les antichambres du pouvoir, Zürich: Chronos Verlag (Annuaire suisse d’histoire économique et sociale, No. 31), 2016. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 67 Nr. 2, 2017, S. 274-276.