O. Pavillon: Des Suisses au coeur de la traite négrière

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Titel
Des Suisses au coeur de la traite négrière. De Marseille à l’Île de France, d’Amsterdam aux Guyanes (1770–1840)


Autor(en)
Pavillon, Olivier
Erschienen
Lausanne 2017: Antipodes
Anzahl Seiten
159 S.
Preis
€ 21,00
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Aline Helg, History, University of Geneva

Cet ouvrage de 159 pages est composé d’une préface rédigée par l’historien français Olivier Grenouilleau, d’une note introductive de l’auteur, d’une postface du directeur des Archives cantonales vaudoises, Gilbert Coutaz, et de trois études détaillées portant sur des Suisses ayant participé, d’une façon ou d’une autre, à la traite négrière transatlantique.

L’auteur, l’historien Olivier Pavillon, a longtemps été directeur du Musée historique de Lausanne. Depuis plusieurs années, il s’intéresse aux rapports de la Suisse avec la traite négrière et la colonisation, en mettant en lumière quelques acteurs romands clés mais jusque-là peu connus. Il a publié, en collaboration avec d’autres historiens, des éditions de sources manuscrites sur le sujet, notamment la correspondance de l’émigré vaudois Marc Warnery, «Seul au milieu de 128 Nègres. Un planteur vaudois en Guyane hollandaise au temps de l'esclavage», «Lettres à ses parents, 1828–1835 (Editions d'en bas, 2009) et les mémoires de Jean Samuel Guisan», «Le Vaudois des terres noyées. Ingénieur à la Guiane française 1777–1791» (Ibis Rouge, 2012).

L’ouvrage Des Suisses au cœur de la traite négrière se fonde, comme les précédents, sur des sources archivistiques vaudoises. Il réunit deux études déjà publiées : «D’Illens, van Berchem, Roguin et Cie: un commerce maritime marseillais à capitaux vaudois à la fin du XVIIIe siècle», paru dans la Revue historique vaudoise en 2004. Et «Alfred Jacques Henri Berthoud (1802–1887): négociant et planteur au Surinam», publié dans la Revue historique neuchâteloise en 2013. L’étude la plus importante et qui initie cet ouvrage est, elle, inédite: «La famille Larguier des Bancels: Des guerres de religion au trafic négrier», que l’auteur fait suivre de deux annexes, l’une contenant la liste de 44 esclaves inclus dans l’inventaire après décès des biens d’un membre de la famille, François III Larguier des Bancels en 1803, l’autre reconstruisant la généalogie de la famille Larguier.

L’itinéraire de la famille Larguier, du XVIIe siècle à la fin des années 1830, constitue le thème de cette première étude. Des protestants des Cévennes, plusieurs membres de cette famille s’établirent à Genève et Lausanne, puis certains d’entre eux, désormais franco-suisses, émigrèrent à l’Île de France (Île Maurice) dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, cherchant à y faire fortune dans le commerce maritime comprenant des esclaves arrachés à Madagascar. Là, ils se confrontèrent à la Révolution française et participèrent aux actions qui empêchèrent les envoyés de la Convention d’imposer aux colons de l’île le décret d’abolition (provisoire) de l’esclavage voté à Paris en février 1794. Certains devinrent ensuite des planteurs esclavagistes et se réjouirent lorsque l’île devint possession britannique après la défaite de Napoléon Bonaparte. C’était sans prévoir les cyclones et les épidémies qui ravagèrent ensuite l’île, ni la décision du Parlement britannique de réglementer puis d’abolir l’esclavage en 1833, avec effet sur l’île au 1er février 1835 – un dénouement qui ramena les derniers émigrés de la lignée des Larguier, Sophie-Adrienne et sa fille, de l’Île Maurice au canton de Vaud, près de Moudon, en 1839.

Dans la deuxième étude, Olivier Pavillon suit un trio de Vaudois, Louis d’Illens, Jacob van Berchem et Marc-Augustin Roguin, qui créèrent à Marseille une entreprise d’armement maritime et se lancèrent, eux aussi, dans la traite négrière dans les années 1790. Sa troisième étude est consacrée au Neuchâtelois Alfred Berthoud, propriétaire de plantations et d’esclaves au Surinam, en particulier lorsque celui-ci s’efforce de vendre ses biens – et donc ses esclaves – après l’abolition générale dans les colonies britanniques en 1838, à un moment où il pressentait la fin de l’esclavage dans la colonie néerlandaise (même si celle-ci ne se produira qu’en 1863).

Le principal mérite de ces trois études est sans doute celui d’apporter des cas individuels et personnels à l’histoire de la participation des Suisses à la traite négrière transatlantique et aux économies coloniales de plantation esclavagiste. Chacune présente une chronologie minutieuse d’itinéraires familiaux retracés avec de très nombreux détails puisés grâce au dépouillement de sources archivistiques (correspondance, mémoires, actes notariaux, manifestes, factures, entre autres). Olivier Pavillon cite abondamment ces sources et n’hésite pas à reproduire de longs passages des lettres issues de ces échanges familiaux ou d’affaires, souvent sans lien avec la problématique de l’esclavage, au point que certaines des pages de son ouvrage sont une succession de citations entrecoupées de brèves remarques qui servent de transition d’une source à l’autre. Le style de l’auteur est avenant, mais parfois parsemé de commentaires personnels quelque peu déroutants («Excusez du peu!» (p. 22), «Elle va être servie!» (p. 57), des «Hélas!», de nombreux points d’exclamation et points de suspension. Par ailleurs, l’ouvrage est illustré d’une vingtaine de reproductions de photos, documents et gravures – dont celles de Jenny Larguier montrant l’Île de France vers l’année 1815, qui mériteraient d’être exploitées comme sources historiques.

Ce trio d’articles pourra donc servir aux étudiants et aux chercheurs de l’histoire de la participation de la Suisse à la traite négrière et à l’esclavage en ce qu’il leur fournira des exemples concrets et des sources d’archives fidèlement transcrites. Le lecteur général se trouvera peut-être étourdi par tant de détails, pour la plupart sans lien avec ces deux sujets. Il est à espérer que dans une publication prochaine l’auteur puisse faire ressortir les lignes les plus importantes des itinéraires personnels qu’il a étudiés pour aborder les questions de la collaboration suisse à la traite négrière et à l’esclavage avec plus de profondeur, et en dialogue avec une partie au moins de la littérature secondaire sur ces thèmes indiquée dans la bibliographie.

Redaktion
Veröffentlicht am
03.12.2018
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch http://www.infoclio.ch/
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