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Titel
Cabaret Cornichon. Geschichte einer nationalen Bühne


Autor(en)
Keller, Peter Michael
Reihe
Collection Theatrum Helveticum 12
Erschienen
Zürich 2011: Chronos Verlag
Anzahl Seiten
425 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Tiphaine Robert

Fin 1933, l’auteur suisse Walter Lesch et le dramaturge allemand Otto Weissert décident ensemble la création du Cabaret Cornichon à Zurich. De 1934 à 1951, l’institution connaîtra une histoire plurielle, décortiquée avec brio par Peter Michael Keller.

Qu’est-ce que le Cornichon? Un cabaret né en réaction à la montée du nazisme? un cabaret politique? résistant? Avant toute chose, l’historien définit ce qu’il n’est pas: un théâtre underground subversif. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, un mythe s’est construit, cristallisant une image de Cornichon résistant au nazisme d’abord, puis au gouvernement suisse. Avec panache, Peter Michael Keller va déconstruire ce mythe par l’analyse minutieuse des textes, sans toutefois se concentrer uniquement sur cette question et en examinant la dose critico-satirique qui a bel et bien existé, même sporadiquement, au sein de ce cabaret.

Avant de voir s’ouvrir le rideau sur les quatre phases que l’historien dégage de l’aventure du Cornichon (les années 30, la guerre, l’après-guerre et le Cornichon du souvenir), le lecteur passe par un certain nombre de préambules.

Tout d’abord, les études consacrées au thème générique du cabaret sont passées au crible. On mesure d’emblée la complexité de l’exercice de définition et de la typologie de ce type d’institution théâtrale. Au cours de ces chapitres introductifs, Peter Michael Keller intègre heureusement régulièrement dans ces débats le cas du Cornichon. Il ne se prononce pas pour une catégorisation rigoureuse et propose un diagramme qui admet la diversité. L’historien insiste avec raison sur le caractère hélas fragmentaire et/ou confus des sources et les difficultés qui en découlent, particulièrement dans le cadre de la recherche sur le cabaret et son caractère éphémère. Il conclut ce chapitre avec l’exemple emblématique d’un texte du Cornichon datant de 1935 mettant en scène des colons suisses découvreurs d’une île qui s’empressent de recréer une Suisse où l’on installe très tôt des barrières entre les propriétés... Ce texte a été rejoué et retravaillé plusieurs fois, se déclinant en trois versions sujettes à des différences d’interprétations notoires et montre ainsi quelques stratégies de recontextualisation, voire de manipulations opérées par les membres du Cornichon selon l’époque à laquelle les numéros sont joués ou publiés.

L’historien aborde ensuite Zurich et les débuts du cabaret en Suisse. Il relativise le côté innovant de la scène théâtrale zurichoise et cette distance critique avec son objet de recherche, observée tout au long de son étude, est très appréciable. On entre dans le vif du sujet en observant les parcours croisés et la relation mi-concurrentielle, mi-amie du Cornichon et du Cabaret Pfeffermühle fondé par Erika Mann qui a fui l’Allemagne nazie avant de développer en Suisse son cabaret satirique avec un certain succès. Peter Michael Keller aborde au passage la problématique des exilés allemands comme celle de Weissert et de l’apport étranger, tantôt assumé, tantôt nié par Lesch. Weissert obtiendra son permis de séjour par l’entremise de Lesch qui entretient une amitié, sans doute intéressée, avec H. Rothmund, chef de l’office central de la police des étrangers. L’historien opère un détour par l’histoire du théâtre suisse partagé entre la tradition du théâtre amateur suisse et celle du théâtre professionnel étranger. Puis, il aborde avec pertinence la question de la « Verschweizerung » du théâtre et de la culture au second quart du XXe siècle. Le Cornichon s’y inscrit sans équivoque en présentant bon nombre de numéros en dialecte, en employant presque exclusivement des artistes suisses, en jouant officiellement dans le cadre de la Landi de 1939 ou pour les soldats pendant la guerre. Avec ses stars, Elsie Attenhofer, Zarli Carigiet ou Emil Hegetschweiler – connus également pour les films très populaires dans lesquels ils ont joué tels que Le Fusilier Wipf – le cabaret connaîtra un énorme succès et imprégnera durablement le paysage culturel suisse alémanique.

Peter Michael Keller décrit à merveille le premier Cornichon, celui des années 30, qui développe des programmes critiquant notamment les dérives totalitaires des pays voisins, par exemple avec le numéro «A et B» représentant Hitler et Mussolini en malades mentaux dans une clinique. S’ensuit une période (1939–1942) où le Cornichon, paralysé par la censure ou l’autocensure mais aussi par le climat de guerre, présente principalement des programmes de propagande exaltant l’unité et la neutralité suisses face à l’étranger. L’après-guerre, selon Keller, commence pour le Cornichon en 1942 et correspond aux premières défaites allemandes. Lesch et Weissert osent alors de nouveau la critique envers l’étranger mais ne formulent aucune attaque contre le gouvernement suisse et sa politique d’asile. Le terrain aurait été fertile… Après-guerre, l’ennemi nazi sera remplacé par l’ennemi communiste. Le Cornichon va alors largement développer un anticommunisme parfois primaire, ce qui représente un paradoxe notoire avec l’image qu’il renvoie malgré lui, celle d’un cabaret de gauche. Dürenmatt, appelé à écrire pour le Cornichon au tout début de sa carrière, apportera une touche critique qui n’existait plus au sein du cabaret. Il sera muselé par la direction du Cornichon qui ne se reconnaît pas dans ses textes trop mordants et qui ratera au passage une belle occasion de se renouveler. La fin du Cornichon est principalement liée à un conflit de personnes entre Weissert et Lesch, dont les orientations politiques différentes, en ce climat bipolaire de guerre froide, ne pouvaient plus survivre conjointement à la tête du cabaret. Jusqu’à la fin de la guerre, le cabaret avait développé d’habiles stratégies pour ne brusquer personne et être perçu comme n’étant ni de droite ni de gauche. Peter Michael Keller montre finalement avec pertinence comment le mythe du Cornichon résistant s’est formé et perdure encore.

Cette recherche détaillée est enrichie de diagrammes qui exposent la proportion des thématiques du Cornichon au gré des époques, d’un récapitulatif des programmes et des protagonistes ainsi que d’un cd-rom contenant un index des numéros joués.

Tout en s’efforçant de ne jamais perdre de vue l’environnement social, politique et culturel du cabaret, Peter Michael Keller répond très bien à l’un des objectifs principaux qu’il s’était fixé: jauger le caractère politique du Cornichon. Enfin, notons que l’historien ne s’égare pas dans l’anecdotique, le biographique, ou dans la critique purement littéraire, pièges de ce type d’étude. Le lecteur perçoit finalement un Cornichon légèrement schizophrène à plusieurs niveaux, entre modernité et antimodernité, entre apologie du rural et ancrage urbain, entre critique et soumission. Il est, pour utiliser le terme de Keller, un divertissement mainstream, la plupart du temps inoffensif qui pousse toutefois le spectateur à réfléchir, ça et là.

Zitierweise:
Tiphaine Robert: Rezension zu: Peter Michael Keller: Cabaret Cornichon. Geschichte einer nationalen Bühne. Zurich, Chronos Verlag, 2011. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 62 Nr. 2, 2012, S. 360-361

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 62 Nr. 2, 2012, S. 360-361

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