R. Francillon u.a.: Belles-Lettres de Lausanne

Titel
Deux siècles en rouge et vert. Belles-Lettres de Lausanne 1806–2006


Autor(en)
Francillon, Roger; Pierre-Alain Tâche, Michel Perrin, François Landgraf, Paul Vallotton, Pierre Jugli, Charles-Henri Favrod, Freddy Buache, Jean-Paul Berger, Charles Bachhofen
Erschienen
Lausanne 2006: Editions du Revenandray
Anzahl Seiten
211 p.
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Pierre Jeanneret

Le rôle des sociétés d’étudiants dans la formation de la Suisse moderne est bien connu, et l’on dispose déjà d’une abondante bibliographie, centrée surtout sur le XIXe siècle. La part de Belles-Lettres dans ce processus reste cependant bien en retrait, par rapport à Zofingue la libérale (1819) et surtout à Hélvetia (1832), vivier du radicalisme. La cause en est l’«apolitisme de Belles-Lettres, à ne pas confondre avec l’engagement individuel de nombreux membres de la société» (p. 185). Les auteurs de cet ouvrage collectif ont donc – à bon escient – décidé de mettre l’accent sur le XXe siècle, qui a été moins exploré, et sur la multiplicité des préoccupations culturelles d’une société d’étudiants qui occupe une place un peu en marge.

Mais à l’attente impatiente que suscitait une telle publication répond ce qu’il faut bien appeler une certaine déception. Le défaut majeur de la plupart des contributions est de constituer une sorte de prolongation du Livre d’Or, une nomenclature, un catalogue de noms répartis par domaines, et cela même sous les plumes les plus autorisées et généralement plus inspirées. Ainsi l’article de Roger Francillon consacré à la littérature (domaine chéri des Bellettriens) constitue-t-il sans doute un bon panorama, mais qui se borne par trop à une succession de courtes monographies. Quel est le lien par exemple – hormis leur appartenance à la société et la part plus ou moins active prise à ses activités – entre l’ascétique Velan, le baroque Chessex, le prolétaire Cherpillod à la langue châtiée? Leur dénominateur commun n’est-il pas à chercher plutôt dans leurs (plus ou moins longs) engagements respectifs comme «compagnons de route» du Parti du Travail, ce qui tendrait à laisser accroire que dans Belles-Lettres le rouge l’emporte sur le vert? La même remarque de fond est valable pour l’article de Pierre Hugli sur la musique. On trouvera cependant la marque de l’anticonformisme bellettrien dans l’intérêt porté aux compositeurs contemporains (Darius Milhaud, Honegger), ainsi qu’à un art longtemps méprisé et abandonné au vulgum pecus, le cinéma.

A notre sens, ce qui manque donc à cet ouvrage, c’est une problématique, une véritable réflexion de fond sur cet «esprit bellettrien» tant vanté, au-delà des formules convenues. Le livre – notamment dans les contributions de Michel Perrin sur le journalisme et de François Landgraf sur «Belles-Lettres et le pouvoir» – a néanmoins le mérite et le courage de démontrer que «le scepticisme, la distanciation, le refus des idées reçues, l’ouverture d’esprit, la tolérance, le cosmopolitisme […], la révolte et la provocation […] la dérision et l’auto-dérision» qui «figurent dans les bagages spirituels des bellettriens» (p. 192) ne sauraient hélas constituer un antidote contre les idées fascisantes et antisémites (à l’exemple de Georges Rigassi et de plusieurs rédacteurs de la Gazette de Lausanne), ni contre les enthousiasmes staliniens (à l’image d’un André Muret). Dans un ouvrage de facture fort différente, Des helvétiens acteurs de la vie politique vaudoise (Lausanne, 2003), Olivier Meuwly consacrait une contribution au «radicalisme face à la tentation corporatiste dans les années 1930». L’étude comparative des différentes sociétés d’étudiants pourrait, on le voit, se révéler fructueuse.

L’aspect le plus intéressant du livre réside à nos yeux dans les pages où Belles- Lettres apparaît comme un lieu d’échanges et de «réseaux» d’amitié, de connivence intellectuelle. La figure de Charles-Henri Favrod est à cet égard emblématique: homme de liens culturels, d’échanges, de synergies, de contacts fructueux, à l’image du rôle qu’il a joué dans la résolution du problème algérien. Il faut savoir gré aussi à cet ouvrage de rendre justice à l’ouverture d’esprit de Georges-André Chevallaz, notamment dans son soutien constant à la Cinémathèque suisse de Freddy Buache subissant les assauts de la NZZ dans l’atmosphère maccarthyste des années 50–60.

Deux siècles en rouge et vert ravira sans doute une bonne partie des membres de Belles-Lettres. Riche de notations factuelles (parfois anecdotiques), le livre constitue une source intéressante à laquelle on pourra se référer. Son apport à la compréhension de la Suisse du XXe siècle reste cependant minime: il laissera donc les historiens quelque peu sur leur faim.

Citation:
Pierre Jeanneret: Compte rendu de: Deux siècles en rouge et vert. Belles-Lettres de Lausanne 1806–2006. Lausanne, Editions du Revenandray, 2006. Première publication dans: Revue suisse d’histoire, Vol. 57 Nr. 2, 2007, pages 210-211.

Redaktion
Veröffentlicht am
10.02.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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