C. Martin Pruvot: L'insula 19 à Avenches

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Titel
L'insula 19 à Avenches. De l'édifice tibérien aux thermes du IIe siècle.


Autor(en)
Martin Pruvot, Chantal
Reihe
Cahiers d'archéologie romande 103, Aventicum XIV
Erschienen
Lausanne 2006: Cahiers d'archéologie romande
Anzahl Seiten
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Michel Fuchs

La série Aventicum s’est enrichie d’un ouvrage attendu après la magistrale étude sur l’amphithéâtre d’Avenches de Philippe Bridel, parue en 2004. Elle nous donne à découvrir un quartier de la ville antique qui a déjà une longue histoire de fouille derrière lui avant le dégagement de thermes monumentaux en 1994. L’importance du site est telle que le terrain est acquis par l’Etat de Vaud et se trouve en attente d’un abri-musée depuis 1996 ; le projet est heureusement présenté en fin de volume par son instigateur, l’archéologue cantonal Denis Weidmann. Comme l’indique cette dernière participation, Ch. Martin Pruvot a bénéficié de plusieurs collaborations de spécialistes du site et de son mobilier, apportant ainsi leur caution à l’analyse attentive d’un édifice majeur de la cité des Helvètes. Celui-ci est situé à un point crucial du plan d’Aventicum et de son réseau de rues : voisin du sanctuaire de la Grange des Dîmes, au bas de la route qui descend de la ville médiévale en direction de Berne, il est placé au départ du decumanus maximus, la rue principale menant au forum à l’est. L’auteur dévide d’abord l’écheveau des nombreuses interventions menées entre 1750 et 2004 pour offrir une image cohérente de l’histoire du bâtiment, attribué à des grands thermes dans les années 1960 seulement. A l’aide d’une riche documentation de qualité - coupes stratigraphiques et plans en couleur, photos de fouille et plans de bâtiments comparatifs -, les trois états de construction du quartier sont cernés de manière claire et détaillée, datés grâce à l’étude dendrochronologique de pieux de fondation. Le premier aménagement est effectué vers 29 apr. J.-C. Des modifications interviennent sous l’empereur Vespasien, vers 72 apr. J.-C., et un imposant complexe thermal est érigé vers 135-137 apr. J.-C. On retiendra du premier bâtiment l’existence d’une vaste piscine à abside au sol pavé de petites briques posées de chant et en épis (opus spicatum). A défaut de connaître l’organisation du reste du quartier, trois propositions d’interprétation de ce premier établissement sont offertes, donnant à la piscine, de forme et de dimensions exceptionnelles à l’occident de l’Empire romain, une place prépondérante : thermes publics, sanctuaire thermal ou campus, soit un « Champ de Mars » en bordure de la ville en devenir. Si la première hypothèse semble bien être celle que privilégie l’auteur, sans qu’il le stipule explicitement, c’est en tout cas celle qui est la plus convaincante ; on ne rejettera toutefois pas la possibilité d’un lien avec le temple proche de la Grange des Dîmes et ainsi un rattachement fort à la sphère religieuse que la présence seule d’une statue de Fortuna Balnearis ne suffit pas à accréditer. L’auteur dit ne pas avoir trouvé de mention d’eaux thérapeutiques à Avenches. C’est oublier les propos du pharmacien et conservateur A. Caspari qui, à la fin du xixe siècle, déclarait que l’eau de la fontaine de Budères, près de Donatyre, avait des vertus contre le goitre et l’alcoolisme. L’hypothèse d’un campus n’est par contre pas du tout convaincante : l’idée d’aménager un tel champ dans un carrefour, sans que soit attesté le large espace qui le caractérise et en se basant uniquement sur la présence d’une piscine de grandes dimensions n’emporte pas l’adhésion, d’autant moins en sachant à quel point tout ce secteur est voué à une zone de sanctuaires et non à des installations sportives. L’époque flavienne est mal connue, mais se caractérise par l’implantation de nombreuses canalisations, attestant une monumentalisation des espaces avec au moins une salle chauffée. L’auteur propose à nouveau trois solutions d’interprétation des lieux, dans le sens de l’état de construction précédent. On s’étonnera de ne pas voir mentionner le lien possible avec le sanctuaire voisin, clef sans doute de compréhension de l’évolution du bâtiment. Sous Hadrien, le complexe prend des proportions grandioses et son organisation est enfin plus précisément décelable. La délicate lecture des différentes pièces, de leur fonction et de leur interaction est menée avec soin. On aurait aimé voir figurer sur un plan la grande vasque qui occupait le centre du frigidarium ; il était accompagné de petits bassins que nous proposons d’interpréter comme des pédiluves ou des douches (p. 92, fig. 96). Attribuer à une pièce chauffée agrémentée d’un bassin ou d’une vasque une fonction d’apodyterium , soit les les vestiaires (pièce L40), aurait emporté l’adhésion si des pièces du même type dans d’autres établissements nous avaient été présentées (p. 103). Placer le sphaeristerium, autrement dit la salle de jeu de paumes, dans une pièce chauffée à l’opposé de l’endroit où l’inscription qui le mentionne a été trouvée (p. 106, pièce L3) ne peut guère être soutenu, d’autant que la proposition entre en concurrence avec celle de Ph. Bridel étudiant une des plus grandes fontaines de rue connue à ce jour, donnant sur le decumanus maximus (p. 148, fig. 156 et 163). On ajoutera que les arguments décisifs manquent pour faire de toute la partie nord de l’édifice un secteur réservé aux sportifs ; le long espace L5/L10 paraît bien étroit pour en faire un gymnase. Par contre, la restitution des locaux de chauffe est exemplaire. Appliquant les trois interprétations à ce nouvel édifice, celle des thermes publics reste la plus probante. On ne comprend cependant pas pourquoi l’aspect cultuel est écarté, non pas en tant que lieu de culte ou sanctuaire des eaux, là n’est pas la question, mais en tant que thermes liés étroitement aux activités du temple adjacent, faisant partie de l’infrastructure d’un sanctuaire au même titre que les thermes du sanctuaire indigène de Martigny, ce d’autant plus si les salles nord revêtent une autre fonction que sportive. Si le matériel manque pour affirmer le côté religieux, il manque tout autant d’éléments pour assurer l’aspect sportif, excepté la mention du sphaeristerium, genre de salle qui complète généralement les assortiments thermaux.

Le précieux chapitre des programmes décoratifs donne le complément nécessaire à la restitution de l’aménagement du quartier, grâce aussi à une illustration abondante. Seize décors peints font passer du plafond sur lattis de période tibérienne aux corniches fictives et aux panneaux rouge vermillon claudio-néroniens, des touffes de feuillages flaviennes aux fonds blancs d’époque trajane et hadrianéenne, du décor marin aux pilastres et barrières sur fond blanc appliqués sous les Sévères de même que le décor floral de la voûte du caldarium. Les placages de marbre illustrent l’harmonie des couleurs et des textures par leur variété. A la statue d’une divinité féminine sur un trône, Fortuna Balnearis ou Dea Aventia, d’excellente qualité locale, s’ajoutent des chapiteaux toscans ; un lot de monnaies allié à la céramique donne les précisions nécessaires au phasage chronologique. Verre à vitre et récipients en verre côtoient le petit mobilier pour fournir un tour complet des trouvailles faites à ce jour dans le quartier.

Si l’interprétation de l’ensemble de l’édifice laisse encore de grandes parts d’ombre, gageons que la reprise des données fournies récemment par le sanctuaire de la Grange des Dîmes et l’insertion du complexe de l’insula 19 à la fois dans la zone des sanctuaires et dans le réseau des quartiers qui conduisent au forum vont profiter pleinement de ce nouvel ouvrage de référence pour Avenches.

Citation:
Michel Fuchs: compte rendu de: Chantal Martin Pruvot, L'insula 19 à Avenches. De l'édifice tibérien aux thermes du IIe siècle, Lausanne: Cahiers d'Archéologie Romande 103, 2006 (Aventicum XIV). Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 115, 2007, p.326-328.

Redaktion
Veröffentlicht am
19.05.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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