S. Berti Rossi u.a.: La fouille de Vidy

Titel
La fouille de Vidy "Chavannes 11" 1989-1990. Trois siècles d'histoire à Lousonna. Archéologie, architecture et urbanisme.


Autor(en)
Berti Rossi, Sylvie; May Castella, Catherine
Reihe
Cahiers d'archéologie romande 102, Lousonna 8
Erschienen
Lausanne 2005: Cahiers d'archéologie romande
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Michel Fuchs

Voilà une étude menée avec acuité pour un résultat de haute tenue. Si la fouille d’un quartier du bourg antique de Lousonna est bien à l’origine de l’ouvrage et tient la première place dans son titre comme dans son contenu, c’est bien plus la réflexion qu’elle suscite que l’on retiendra. De la présentation des 1600 m2 dégagés sourd une approche novatrice sur la succession des maisons durant trois siècles d’occupation à l’endroit d’une nécropole préromaine. Au milieu du Ier siècle av. J.-C. déjà, un bâtiment en bois s’organise en pièces allongées telles qu’en présentent les édifices militaires ; habitat, grandes salles de marché et d’entrepôt ou portion de fortification, la question est posée. Entre 40 et 20 av. J.-C., un village de structures légères se dessine. Un nouvel urbanisme s’installe véritablement entre 20 et 10 avant notre ère, mettant au point la construction de terre et de bois ordonnée de chaque côté d’une rue droite. L’organisation du quartier se fixe de manière générale et pour trois siècles. Vers 10/20 apr. J.-C., sous l’empereur Tibère, des transformations internes interviennent, jusqu’au passage à la maçonnerie. Le quartier est complètement restructuré sous Claude vers 40/45 apr. J.-C. et au début du règne de Néron vers 55/60 apr. J.-C. Sous ce dernier empereur prend vraisemblablement place une forge dans l’un des bâtiments. Les sols sont rehaussés, une systématique dans l’aménagement des pièces se fait jour. Comme à Avenches, le quartier commence à être maçonné à l’époque de Vespasien, dans les années 70. Le confort est de mise en même temps que l’apparition d’un puits. Une grande cave a pris place en bordure de rue ; de construction très soignée, percée de niches voûtées, elle donne au portique qui la longe l’allure d’une rue de Berne ou de Morat. Cela n’empêche pas la reconstruction de maisons en terre et bois vingt ans plus tard, sous Domitien. Au début du iie siècle, le réseau hydraulique est amélioré ainsi que la voirie, provoquant le rehaussement général des sols. Des réaménagements s’observent vers 170 apr. J.-C. et au début du iiie siècle. Entre-temps, sous Commode, on assiste à une nouvelle élévation des sols de 20 cm. La molasse est alors largement utilisée. La question de l’abandon du site reste problématique ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il est partiellement occupé au ive siècle.

Le gros apport de l’étude tient dans la recherche sur les techniques de construction en bois et l’architecture qui en découle. Le bois utilisé est le sapin blanc, l’épicéa et le chêne, celui-ci pour les élévations en particulier. On notera avec intérêt que le hêtre et le châtaignier n’interviennent que plus tard, à la fin du ier siècle apr. J.-C. Terre puis terre et pierres s’intègrent à la constitution des murs jusqu’à ce que la maçonnerie s’étende à tout le secteur dans le dernier tiers du ier siècle apr. J.-C. Le mode de couverture des maisons se révèle aussi, la tuile étant employée à partir du milieu du ier siècle apr. J.-C. pour être généralisée vers 70 apr. J.-C.

Les aménagements intérieurs ont droit à une attention particulière, avec un précieux chapitre sur les nombreux fours ou foyers rencontrés. L’eau, cet élément capital pour la compréhension d’un habitat, est abordée avec le jeu des comparaisons et conduit à ce constat intéressant : les puits ne sont construits qu’au moment de l’extension de l’usage de la maçonnerie.

Pour une compréhension plus aisée de ces chapitres, un tableau simplifié des états de construction du quartier et des changements apportés aux bâtiments eut été fort utile, complétant la figure très parlante de fin de volume (fig. 237) présentant l’évolution des maisons restituées. Le chapitre sur l’architecture des bâtiments est d’ailleurs l’un des points forts de l’ouvrage, nuançant, précisant le propos lancé par les deux auteures en 1992 (« Architecture de terre et de bois à Lousonna-Vidy VD », Archéologie Suisse 15, p. 172-179), accompagné d’un dessin en couleur largement diffusé depuis. Il en sort un véritable manuel des systèmes constructifs en bois et de leur restitution architecturale au ier siècle apr. J.-C. Tout en étant conceptuel, la démarche est définie à partir des données archéologiques à disposition, judicieusement synthétisées dans des tableaux. On notera l’élévation des parois qui, dans les années 20-40, sous Tibère, atteignent 3,20-3,25 m et sous Claude, vers 50 apr. J.-C., montent à 5 m de hauteur, sans doute en raison de l’adjonction des portiques, ce qui va conduire aussi à l’affaiblissement de la pente des toits. Relevons aussi l’aménagement d’une hotte de cheminée et de sa sortie faîtière dans le bâtiment où s’installe une forge. La restitution architecturale se révèle être un exercice qui tient compte de tous les indices fournis par la fouille. Accompagnés de dessins de qualité, perspectives et plans d’élévations comme détails de construction invitent à saisir la fascinante complexité de la mise en oeuvre de 10 à 16 tonnes de bois pour l’ensemble du quartier.

La synthèse conclusive donne enfin à voir l’évolution du bourg de Lousonna, qui avait fait l’objet d’une exposition en 1999 accompagnée uniquement d’un dépliant. On regrettera ici le discours d’initié, qui ne nous indique par exemple pas par un plan la répartition des secteurs de la bourgade. Suite à la première publication du mobilier archéologique de la fouille de Vidy « Chavannes 11 » par Th. Luginbühl, A. Schneiter et alii (CAR 74, Lousonna 9), des compléments sont ajoutés en fin d’ouvrage sur la métallurgie locale, avec deux petits ateliers spécialisés dans le quartier et leurs outils. La faune de la seconde moitié du ier siècle apr. J.-C. est aussi traitée de même que la fin de l’Age du Fer, dans un chapitre qui fait le point sur cette période à Lausanne, entre Vidy et La Cité. En ressort l’hypothèse troublante des Romains qui seraient présents directement après la défaite de Bibracte, profitant de l’importance commerciale du lieu.

Le côté austère mais nécessaire d’une publication de fouille est largement dépassé par les chapitres interprétatifs, qui nous font accéder à un espace compris et vécu au ier siècle apr. J.-C. à Lousonna. C’est le quartier du Flon version romaine à Vidy. Ce n’est pas une « modeste pierre à l’édifice de l’architecture provinciale romaine » qui est apportée là, mais un véritable bloc de fondation dont les effets dépassent largement le cadre lausannois.

Citation:
Michel Fuchs: compte rendu de: Sylvie Berti Rossi, Catherine May Castella, La fouille de Vidy "Chavannes 11" 1989-1990. Trois siècles d'histoire à Lousonna. Archéologie, architecture et urbanisme, Lausanne 2005 (Cahiers d'archéologie romande 102, Lousonna 8). Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 115, 2007, p.299-301.

Redaktion
Veröffentlicht am
05.05.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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