K. Utz Tremp: Der Jetzerhandel und die Jetzerprozesse in Bern (1507–1509)

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Titel
Warum Maria blutige Tränen weinte. Der Jetzerhandel und die Jetzerprozesse in Bern (1507–1509)


Autor(en)
Utz Tremp, Kathrin
Reihe
Monumenta Germaniae Historica Schriften
Erschienen
Wiesbaden 2022: Harrassowitz Verlag
Anzahl Seiten
1057 S.
von
Gilbert Coutaz

Qui mieux que Kathrin Utz Tremp pouvait reprendre de fond en comble l’affaire Jetzer qui la poursuit depuis quarante ans, elle, une experte reconnue de l’histoire religieuse, des institutions bernoises, de l’inquisition et de la sorcellerie du Moyen Âge tardif? Familière de la consultation des archives et des éditions de sources médiévales, elle livre un ouvrage d’une grande érudition, exemplaire par sa méthodologie: elle a évité de tomber dans le piège de la controverse en écartant de sa démarche l’idée de réhabiliter des personnes injustement condamnées (p. VIII); elle a prévenu toute critique, en mobilisant et en commentant rigoureusement et avec force détails toutes les pièces primaires et secondaires du dossier, dont le Defensorium des dominicains de 1508; elle s’est assurée qu’il n’existait pas de manuscrits aux Archives vaticanes et dominicaines à Rome; elle part systématiquement des documents pour mettre à jour la littérature scientifique et non l’inverse; la sophistication du scandale l’a obligée à préciser les définitions des procédures inquisitoriales, de sorcellerie et d’hérésie qui, insuffisamment approfondies, avaient faussé les lectures des trois procès relatifs à l’affaire (p. 62–63); elle a dressé le portrait des 40 témoins, dont 31 pour le seul procès principal, cités à comparaître au nom des querelles théologiques sur la Conception immaculée de la Vierge Marie, défendue par les franciscains à travers l’ouvrage de leur frère milanais Bernardin de Bustis (vers 1450–1513/15) rédigé en 1492/1493, le Mariale de excellentiis Reginae coeli. Les dominicains contestaient cette doctrine.

Le contexte tout autant tendu des relations diplomatiques est restitué avec clarté et précision d’autant plus que les intérêts divergent entre les cantons confédérés, d’une part, et l’Empire, le roi de France, le duc de Savoie et la Papauté, d’autre part, avec chaque camp jouant de son influence et de ses relais sur place durant les années des procès. À titre d’exemple, lors de la révision du procès en 1509, l’évêque de Lausanne Aymon de Montfalcon (1443–1517), chargé de conduire les trois procès, plutôt conciliant et modéré dans ses postures, et Mathieu Schiner (1465–1522), entreprenant, représentaient respectivement les intérêts du roi de France et ceux de la Papauté. Ils siégèrent côte à côte. Enfin, en traquant les moindres indices dans le déroulement de la polémique entachée de vices de forme, de duperie et de mensonges, l’auteure donne à son étude historique des allures de polar avec ses rebondissements et ses volte-face. La praticabilité de ce monument de papier est renforcée par les annexes: chronologie des étapes des procès; auteurs des apparitions/ illusions de la Vierge et dates des comparutions des témoins, ainsi que par l’index nominatif.

Ce qu’on a appelé l’affaire Jetzer tire son nom du tailleur Hans Jetzer (vers 1483–1514), de Zurzach. Admis comme frère convers du monastère dominicain de Berne à l’âge de 23 ans, il eut, durant le premier semestre 1507, plusieurs apparitions de la Vierge Marie accompagnée de divers saints. Auparavant, il avait reçu la visite du fantôme de l’ancien prieur révoqué 160 ans plus tôt et mort dans une rixe à Paris. Celui-ci lui aurait confié avoir partagé le purgatoire avec un grand nombre de franciscains punis pour avoir prêché que la Vierge Marie était née sans le péché originel. Autant dire que ceux qui croyaient le contraire étaient sur le «bon» chemin. Jetzer reçut de la Vierge les stigmates et une hostie qui se mit à saigner dans sa main. Une autre fois, la Pietà de l’église dominicaine de Berne pleura des larmes de sang.

Tout cela n’était en fait qu’une machination décidée lors du chapitre de la province dominicaine d’Allemagne supérieure qui s’était tenu à Wimpfen au début mai 1506. Elle devait renforcer la position spirituelle du couvent de l’ordre face aux franciscains et à propos de la question du montant des pensions que la ville de Berne lui accordait. Les fomenteurs tentèrent d’empoisonner Hans Jetzer lorsqu’il découvrit la supercherie. Ils furent dénoncés aux autorités par leur victime. Les quatre responsables du couvent, d’abord défroqués, furent condamnés à mort et brûlés vifs le 31 mai 1509. Quant à Jetzer, il s’échappa de sa prison le 25 juillet 1509 et mourut cinq ans plus tard.

L’affaire, qui pourrait avoir exercé une influence déterminante sur l’introduction de la Réforme à Berne, fut relatée par les chroniqueurs bernois Valerius Anshelm (1475–1547) et lucernois Diebold Schilling (avant 1460–1515?), ce dernier la dotant d’illustrations (reproduites p. 1010–1019). Pour sa part, Rudolf Steck (1842–1924) a édité les trois procès Jetzer (AEB A V 1438) en 1904: celui à Lausanne et Berne (8 octobre 1507–22 février 1508); le procès-principal à Berne (26 juillet–7 septembre 1508) puis la révision du procès à Berne (2–31 mai 1509). Au lieu de les exploiter, les chercheurs s’étaient évertués à désigner le véritable coupable de la conspiration. Depuis 1897, un consensus s’était dessiné autour de la thèse de Nikolaus Paulus (1853–1933): un «meurtre judiciaire de quatre dominicains» imputé à la ville de Berne, désireuse de se défaire de ce partenaire encombrant. Toute la faute fut rejetée sur Hans Jetzer. Malgré l’édition complète des procès, alors que Paulus ne connaissait l’existence que du premier, l’accusation ne fut pas contestée au XXe siècle.

La conclusion de Kathrin Utz Tremp est toute autre: «[…] on ne peut pas parler d’un assassinat judiciaire de quatre dominicains commis par Berne» (p. 873). La culpabilité unilatérale de Hans Jetzer ne peut plus être soutenue. Une telle supercherie exigeait des esprits cultivés et confondait par conséquent obligatoirement les dominicains. Le verdict est tombé et il est irréfutable! Il rend le «Utz Tremp» désormais incontournable.

Zitierweise:
Coutaz, Gilbert: Rezension zu: Utz Tremp, Kathrin: Warum Maria blutige Tränen weinte. Der Jetzerhandel und die Jetzerprozesse in Bern (1507–1509), Wiesbaden 2022. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 74(1), 2024, S. 117-119. Online: <https://10.24894/2296–6013.00142>.

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