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Religion d’abord urbaine, le christianisme a conquis cet espace particulier pour faire un territoire religieux (Vincent, Dory, Verdier 1995). J. Rime documente la rencontre entre les «gens d’Église» avec le monde de la montagne, en l’occurrence fribourgeoise: un microcosme de 600 km2, où les chalets d’alpage étaient situés sur des territoires hors paroisse, peuplés de «gens du bas» qui n’étaient coupés des autres que pour une saison. S’appuyant sur l’historiographie des trois dernières décennies, le cadre d’analyse distingue les notions d’espace (et d’espaces sacrés: mer, désert, montagne) et de construction du territoire. L’auteur prend ses distances avec les avatars d’une littérature plus ancienne (Guichonnet, Aebischer) dans laquelle la montagne, par contraste avec une plaine jugée rationnelle, était présentée comme le séjour des démons, peuplée d’habitants «crédules et goitreux», tardivement extraits de l’influence du paganisme et de la sorcellerie (p. 14). Poursuivant les conclusions d’un colloque de 2002 sur religion et montagnes en Europe, et en accord les autres spécialistes actuels de la montagne helvétique comme J. Mathieu, Rime rappelle que le monde alpin (et a fortiori préalpin) n’est pas plus «primitif» que les autres, et qu’il est intimement lié à celui de la plaine. L’étude s’inscrit dans une histoire culturelle qui ne néglige pas les dimensions économiques, politiques, anthropologiques, et même philologiques. Les considérations sur les toponymes et sur les textes en patois offrent des pages savoureuses, clarifiant au passage quelques malentendus qui renverraient à une gêne de «ne pas posséder un aussi riche folklore que l’Écosse ou la Bretagne». Le toponyme Les Fayes évoque ainsi des brebis ou des hêtres, et non des fées. Ces dernières sont du reste absentes des légendes fribourgeoises, qu’il s’agisse de celles collectées par le père de l’ethnographie cantonale Franz Kuenlin au XIXe siècle, celles relues et mora-lisées par l’abbé Bovet dans l’entre-deux-guerres, ou celles analysées dans l’enquête de Christine Détraz et Philippe Grand en 1984. Dans la première partie («Un espace magique»), l’auteur bat en brèche la théorie d’une survivance du paganisme, en vogue au tournant du XXe siècle et réanimée par les néopaïens autour des années 2000. Il fait aussi un sort à l’idée que la montagne aurait été le repère préféré des «sorciers» et «sorcières». Les persécutés se repliaient simplement dans des lieux reculés, et en plaine plus souvent qu’en altitude. Dans les mentalités d’Ancien Régime, la montagne n’était pas considérée comme un lieu maléfique, même si les populaires capucins y pratiquaient des exorcismes et bénédictions d’étables et de troupeaux. Ce recours s’explique plutôt par le besoin de protection (divine ou non) contre le caprice des éléments, et témoigne de flottements entre religions populaire et officielle. Les sources mobilisées témoignent d’un changement d’attitude entre le XVIIe et le tournant du XXe siècle. Le rapport des gens d’Église à la montagne est d’abord distant et méfiant, et c’est en partie réciproque si l’on en croit les strophes un peu antic-léricales du Ranz des vaches. Des laïcs et des prêtres fribourgeois prennent une part active dans le processus de «réélaboration savante de la culture populaire». Traitée dans la deuxième partie, cette «in invention de la tradition» (Hobsbawm, Ranger 1983) est jalonnée de malentendus et d’instrumentalisations, et elle n’est pas linéaire. Elle a conduit à une redéfinition de la sacralité de la montagne, non plus seulement religieuse, mais bien civile et patrio-tique à l’époque de la «République chrétienne» fribourgeoise. Dans ce processus, l’influence de Joseph Reichlen, folkloriste, patoisant et peintre de la Gruyère, apparaît plus décisive que celui du clergé fribourgeois. Reichlen contribue à «domestiquer» le chant populaire en expurgeant les éléments jugés licencieux et l’anticléricalisme des armaillis. Durant cette période, le clergé n’est pas à l’avantgarde du mouvement folkloriste, il est plutôt suiveur que pionnier, et aucun mouvement concerté n’est à l’œuvre en son sein. Si les crises paysannes de la fin du XIXe siècle et de l’entre-deux-guerres ont été le creuset du folklore, les élites catholiques ont pleinement contribué à ce rapport renouvelé à la montagne, et c’est entre 1910 et 1960 que la religion a été le plus fortement mobilisée. C’est tout l’objet de la troisième partie («La montagne catholique»), placée sous le signe de l’abbé Joseph Bovet (1879–1951). Directeur de l’École normale d’Hauterive à partir de 1908, professeur au séminaire et bientôt responsable des chœurs d’église, il domine et contrôle la production et la pratique musicales du canton qui en était arrivé à son point d’étiage au début du XXe siècle. Il publie en 1911 Nos chansons, un recueil qui le propulsera au rang de «barde fribourgeois». Recherche d’authenticité (exaltation des chants en patois en dépit de l’interdiction légale du patois à l’école), tri moralisateur, abolition des frontières entre le profane et le religieux, entre le spectacle et la liturgie, telles sont les principales caractéristiques de la démarche de Bovet. Elle sera continuée au sein du clergé par une nouvelle génération (Brodard, Menoud, Perrin) porteuse de nouveautés dans les années 1950, avec l’introduction de sermons en patois et la création d’un service d’aumô¬nerie pour les armaillis. La dynamique n’est toutefois plus à la rénovation politique, mais plutôt à la célébration et à la défense de la «Gruyère éternelle». Bovet est décrit comme le catalyseur qui a rendu possible la rencontre (ou la réconciliation) entre l’Église et les Préalpes fribourgeoises. Plus ramassée, la quatrième et dernière partie couvre une période plus proche de nous, dans laquelle l’auteur s’interroge sur la présence d’un changement de paradigme qui «affecte la société aussi du point de vue spirituel». Même si l’institution ecclésiale a perdu le monopole instauré dans la période précédente, la présence du christianisme apparaît moins contestée en montagne qu’en plaine. On observe un renouvellement sur le plan musical, avec la production de l’abbé Pierre Kaelin, l’héritier de Bovet qui, avec des textes d’Émile Gardaz, témoigne d’une plus grande ouverture au monde et à la modernité. Ainsi, le festival Terre de Gruyère en 1963 bouleverset-il le récit classique de la religion dans la région. Les années 1970 sont parcourues de mouvements contradictoires: apparition de bergers fribourgeois aux longs cheveux (les «pèlàs» influencés par le mouvement hippie) et permanence des aumôniers des armaillis; hiatus entre un clergé acquis aux nouveautés de Vatican II et résistances d’une certaine religion populaire; attachement des fidèles à la messe en patois alors que la langue n’est comprise que par une minorité. Comme en témoigne la fête de la Poya d’Estavannens en 2013, la notion de «sacralité» de la montagne se fractionne sous le coup de l’individualisation des croyances, l’attrait d’un syncrétisme alpin et le «revival touristico-religieux» décrit par l’historien français Antoine de Baecque. Gruérien et prêtre lui-même, J. Rime applique une méthode critique rigoureuse et minutieuse à l’étude d’une région qu’il a beaucoup arpentée et d’une institution qu’il connaît en profondeur. Les comparaisons pertinentes avec d’autres territoires mieux documentés (les Grisons, la Savoie, la Bretagne de Michel Lagrée) aussi bien que les recoupements et recours aux témoignages permettent de combler la relative rareté des sources. Les fines analyses toutes en nuances sont agréablement ponctuées d’anecdotes truculentes. Tout au plus peut-on s’étonner de la confiance dans le jugement d’un témoin selon lequel les textes de l’abbé Menoud, rédacteur ecclésiastique de La Liberté de 1953 à 1975, auraient attiré des lecteurs non-catholiques au journal (p. 486–487). Ailleurs, silence sur la pédophilie du prêtre-alpiniste et prêtre-metteur en scène Marcel Menétrey, dernier de cordée «sauvé» dans un accident à la Dent-de-Lys en 1940 en invoquant Marguerite Bays. La révélation de cette face sombre n’a guère perturbé les procès en béatification et en sanctification de la Fribourgeoise dont les étapes sont rappelées dans le livre (voir François Mauron, «Le miracle de Marguerite Bays mis en cause par un document», Le Temps, 03.07.2008, en ligne: www.letemps.ch/suisse/miracle-marguerite-bays-mis-cause-un-document). Ces remarques marginales n’enlèvent rien aux mérites de cette somme qui retrace avec beaucoup de clarté les signes, rythmes et acteurs de l’évolution du lien entre l’Église et la montagne, jusqu’aux pratiques les plus récentes. Zitierweise: Roulin, Stéphanie: Rezension zu: Rime, Jacques: Le baptême de la montagne. Préalpes fribourgeoises et construction religieuse du territoire (XVIIe–XXe siècles), Neuchâtel 2021. Zuerst erschienen in: |https://www.unifr.ch/szrkg/de/|Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte|, Vol. 116, 2022, S. 471-473. Online: https://doi.org/10.24894/2673-3641.00127." 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Ce nouvel opus, paru en 2021 chez Alphil, est une monographie issue de l’habilitation de l’auteur en histoire de l’Église. Tout en conservant sa vocation académique, le Baptême de la montagne illustre dans une certaine mesure une approche portée sur le grand public. Il s’agit d’abord d’un livre d’envergure. En témoigne l’imposante bibliographie, tant au niveau des différentes sources mobilisées que de la littérature scientifique. Néanmoins, il ne saurait échapper à un large public en cela que sa structure est simple, logique et claire. Les quatre parties, se composant chacune de plusieurs chapitres, sont précédées d’une introduction et suivies d’une conclusion. Un fil rouge relie les chapitres et le caractère encyclopédique de certains d’entre eux les rend aussi abordables séparément. La perspective de longue durée s’accompagne d’une approche comparatiste qui focalise de temps à autre l’attention sur d’autres régions alpines et préalpines centrales et occidentales, latines et germanophones, de la Suisse à la Savoie. Le sous-titre précise un intérêt majeur pour la période moderne et surtout contemporaine, du XVIIe au XX e siècle, avec en outre des plongées récurrentes dans le Moyen Âge. Au niveau géographique, une caractérisation plus précise et détaillée des Préalpes par rapport aux Alpes aurait été bienvenue et utile pour rappeler au lecteur quelques distinctions significatives entre ces deux types de territoires, proches mais de loin pas identiques. À titre d’exemple, nous pouvons évoquer une saisonnalité sensiblement différente ou un paysage culturel construit, conçu et représenté de manières multiples et variées au cours du temps. En revanche, les distinctions marquantes du paysage sacré selon les confessions catholique et réformée sont analysées et présentées avec soin. Concernant le cadre chronologique, le choix du temps long est certes intéressant et porteur de résultats tangibles, mais un approfondissement plus fin des différences qui marquent le passage de l’Ancien Régime à la période postrévolutionnaire par rapport aux thèmes développés aurait été nécessaire. L’introduction présente d’emblée un panorama des liens développés par l’historiographie entre religion et espace et plus précisément entre christianisme et montagne. Elle se poursuit en justifiant le choix du terrain «microcosmique» des Préalpes fribourgeoises, invoquant une approche micro historique dans le domaine de l’histoire culturelle, après avoir brossé un bref aperçu de l’histoire économique. Ce faisant, Rime cherche moins à opposer qu’à accorder la micro-histoire à l’histoire quantitative, se plaçant dans la lignée d’analyses «au ras du sol», selon l’heureuse expression de Jacques Revel et de sa préface à ce monument de la micro-histoire qu’est Le pouvoir au village de Giovanni Levi (titre original italien L’eredità immateriale. Carriera di un esorcista nel Piemonte del Seicento, Einaudi, 1985). Au fur et à mesure que l’auteur déroule ses chapitres, l’approche micro historique tend malheureusement à disparaître au profit d’une focalisation sur les élites religieuses, intellectuelles et politiques. Leurs études, représentations et actions sont davantage traités que la vie, les trajectoires et les pratiques des gens de la montagne, paysans et bergers, de ces acteurs locaux qui peuvent s’organiser en groupes à caractère religieux et exercer un fort impact sur la vie paroissiale et dévotionnelle, mais aussi sur le paysage sacré par le biais des confréries. 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Le dernier chapitre de cette partie se concentre sur les relations complexes et rocambolesques des montagnards et du clergé. La montagne apparaît à la fois comme un terrain de jeu de la liberté paysanne échappant au contrôle paroissial et comme un terrain sommital de conquête spirituelle que l’Église essaie d’atteindre, en gagnant au fur et à mesure du temps au ciel un peuple qui, à la plaine, lui échappe. La deuxième partie («L’Église, les Alpes et l’invention de la tradition») reprend les travaux du doyen Bridel, cette fois dans la perspective du lien qu’il tisse entre religion et montagne, en équilibre entre folklore et pastorale. Dans le chapitre suivant, l’Église abandonne ses anciennes hésitations et méfiances vis-à-vis de la montagne, partant enfin à la conquête des sommets. Survient alors une véritable course à la montagne pour bénir, voire baptiser, les alpages avec croix et chapelles. 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Rime: Le baptême de la montagne | infoclio - Rezensionen

J. Rime: Le baptême de la montagne

Cover
Titel
Le baptême de la montagne. Préalpes fribourgeoises et construction religieuse du territoire (XVIIe-XXe siècles)


Autor(en)
Jacques, Rime
Erschienen
Neuchâtel 2021: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
680 S.
von
Stéphanie Roulin, Histoire contemporaine, Université de Fribourg

Après un premier livre consacré aux armaillis «bergers des âmes» en 2014, l’auteur approfondit ici un thème pour aller au-delà de l’image d’Épinal d’un lieu qui serait biblique et spirituel par essence, car plus proche de Dieu. Religion d’abord urbaine, le christianisme a conquis cet espace particulier pour faire un territoire religieux (Vincent, Dory, Verdier 1995). J. Rime documente la rencontre entre les «gens d’Église» avec le monde de la montagne, en l’occurrence fribourgeoise: un microcosme de 600 km2, où les chalets d’alpage étaient situés sur des territoires hors paroisse, peuplés de «gens du bas» qui n’étaient coupés des autres que pour une saison.
S’appuyant sur l’historiographie des trois dernières décennies, le cadre d’analyse distingue les notions d’espace (et d’espaces sacrés: mer, désert, montagne) et de construction du territoire. L’auteur prend ses distances avec les avatars d’une littérature plus ancienne (Guichonnet, Aebischer) dans laquelle la montagne, par contraste avec une plaine jugée rationnelle, était présentée comme le séjour des démons, peuplée d’habitants «crédules et goitreux», tardivement extraits de l’influence du paganisme et de la sorcellerie (p. 14). Poursuivant les conclusions d’un colloque de 2002 sur religion et montagnes en Europe, et en accord les autres spécialistes actuels de la montagne helvétique comme J. Mathieu, Rime rappelle que le monde alpin (et a fortiori préalpin) n’est pas plus «primitif» que les autres, et qu’il est intimement lié à celui de la plaine.
L’étude s’inscrit dans une histoire culturelle qui ne néglige pas les dimensions économiques, politiques, anthropologiques, et même philologiques. Les considérations sur les toponymes et sur les textes en patois offrent des pages savoureuses, clarifiant au passage quelques malentendus qui renverraient à une gêne de «ne pas posséder un aussi riche folklore que l’Écosse ou la Bretagne». Le toponyme Les Fayes évoque ainsi des brebis ou des hêtres, et non des fées. Ces dernières sont du reste absentes des légendes fribourgeoises, qu’il s’agisse de celles collectées par le père de l’ethnographie cantonale Franz Kuenlin au XIXe siècle, celles relues et mora-lisées par l’abbé Bovet dans l’entre-deux-guerres, ou celles analysées dans l’enquête de Christine Détraz et Philippe Grand en 1984. Dans la première partie («Un espace magique»), l’auteur bat en brèche la théorie d’une survivance du paganisme, en vogue au tournant du XXe siècle et réanimée par les néopaïens autour des années 2000. Il fait aussi un sort à l’idée que la montagne aurait été le repère préféré des «sorciers» et «sorcières». Les persécutés se repliaient simplement dans des lieux reculés, et en plaine plus souvent qu’en altitude. Dans les mentalités d’Ancien Régime, la montagne n’était pas considérée comme un lieu maléfique, même si les populaires capucins y pratiquaient des exorcismes et bénédictions d’étables et de troupeaux. Ce recours s’explique plutôt par le besoin de protection (divine ou non) contre le caprice des éléments, et témoigne de flottements entre religions populaire et officielle.
Les sources mobilisées témoignent d’un changement d’attitude entre le XVIIe et le tournant du XXe siècle. Le rapport des gens d’Église à la montagne est d’abord distant et méfiant, et c’est en partie réciproque si l’on en croit les strophes un peu antic-léricales du Ranz des vaches. Des laïcs et des prêtres fribourgeois prennent une part active dans le processus de «réélaboration savante de la culture populaire». Traitée dans la deuxième partie, cette «in invention de la tradition» (Hobsbawm, Ranger 1983) est jalonnée de malentendus et d’instrumentalisations, et elle n’est pas linéaire. Elle a conduit à une redéfinition de la sacralité de la montagne, non plus seulement religieuse, mais bien civile et patrio-tique à l’époque de la «République chrétienne» fribourgeoise. Dans ce processus, l’influence de Joseph Reichlen, folkloriste, patoisant et peintre de la Gruyère, apparaît plus décisive que celui du clergé fribourgeois. Reichlen contribue à «domestiquer» le chant populaire en expurgeant les éléments jugés licencieux et l’anticléricalisme des armaillis. Durant cette période, le clergé n’est pas à l’avantgarde du mouvement folkloriste, il est plutôt suiveur que pionnier, et aucun mouvement concerté n’est à l’œuvre en son sein.
Si les crises paysannes de la fin du XIXe siècle et de l’entre-deux-guerres ont été le creuset du folklore, les élites catholiques ont pleinement contribué à ce rapport renouvelé à la montagne, et c’est entre 1910 et 1960 que la religion a été le plus fortement mobilisée. C’est tout l’objet de la troisième partie («La montagne catholique»), placée sous le signe de l’abbé Joseph Bovet (1879–1951). Directeur de l’École normale d’Hauterive à partir de 1908, professeur au séminaire et bientôt responsable des chœurs d’église, il domine et contrôle la production et la pratique musicales du canton qui en était arrivé à son point d’étiage au début du XXe siècle. Il publie en 1911 Nos chansons, un recueil qui le propulsera au rang de «barde fribourgeois». Recherche d’authenticité (exaltation des chants en patois en dépit de l’interdiction légale du patois à l’école), tri moralisateur, abolition des frontières entre le profane et le religieux, entre le spectacle et la liturgie, telles sont les principales caractéristiques de la démarche de Bovet. Elle sera continuée au sein du clergé par une nouvelle génération (Brodard, Menoud, Perrin) porteuse de nouveautés dans les années 1950, avec l’introduction de sermons en patois et la création d’un service d’aumô¬nerie pour les armaillis. La dynamique n’est toutefois plus à la rénovation politique, mais plutôt à la célébration et à la défense de la «Gruyère éternelle». Bovet est décrit comme le catalyseur qui a rendu possible la rencontre (ou la réconciliation) entre l’Église et les Préalpes fribourgeoises.
Plus ramassée, la quatrième et dernière partie couvre une période plus proche de nous, dans laquelle l’auteur s’interroge sur la présence d’un changement de paradigme qui «affecte la société aussi du point de vue spirituel». Même si l’institution ecclésiale a perdu le monopole instauré dans la période précédente, la présence du christianisme apparaît moins contestée en montagne qu’en plaine. On observe un renouvellement sur le plan musical, avec la production de l’abbé Pierre Kaelin, l’héritier de Bovet qui, avec des textes d’Émile Gardaz, témoigne d’une plus grande ouverture au monde et à la modernité. Ainsi, le festival Terre de Gruyère en 1963 bouleverset-il le récit classique de la religion dans la région. Les années 1970 sont parcourues de mouvements contradictoires: apparition de bergers fribourgeois aux longs cheveux (les «pèlàs» influencés par le mouvement hippie) et permanence des aumôniers des armaillis; hiatus entre un clergé acquis aux nouveautés de Vatican II et résistances d’une certaine religion populaire; attachement des fidèles à la messe en patois alors que la langue n’est comprise que par une minorité. Comme en témoigne la fête de la Poya d’Estavannens en 2013, la notion de «sacralité» de la montagne se fractionne sous le coup de l’individualisation des croyances, l’attrait d’un syncrétisme alpin et le «revival touristico-religieux» décrit par l’historien français Antoine de Baecque.
Gruérien et prêtre lui-même, J. Rime applique une méthode critique rigoureuse et minutieuse à l’étude d’une région qu’il a beaucoup arpentée et d’une institution qu’il connaît en profondeur. Les comparaisons pertinentes avec d’autres territoires mieux documentés (les Grisons, la Savoie, la Bretagne de Michel Lagrée) aussi bien que les recoupements et recours aux témoignages permettent de combler la relative rareté des sources. Les fines analyses toutes en nuances sont agréablement ponctuées d’anecdotes truculentes. Tout au plus peut-on s’étonner de la confiance dans le jugement d’un témoin selon lequel les textes de l’abbé Menoud, rédacteur ecclésiastique de La Liberté de 1953 à 1975, auraient attiré des lecteurs non-catholiques au journal (p. 486–487). Ailleurs, silence sur la pédophilie du prêtre-alpiniste et prêtre-metteur en scène Marcel Menétrey, dernier de cordée «sauvé» dans un accident à la Dent-de-Lys en 1940 en invoquant Marguerite Bays. La révélation de cette face sombre n’a guère perturbé les procès en béatification et en sanctification de la Fribourgeoise dont les étapes sont rappelées dans le livre (voir François Mauron, «Le miracle de Marguerite Bays mis en cause par un document», Le Temps, 03.07.2008, en ligne: www.letemps.ch/suisse/miracle-marguerite-bays-mis-cause-un-document). Ces remarques marginales n’enlèvent rien aux mérites de cette somme qui retrace avec beaucoup de clarté les signes, rythmes et acteurs de l’évolution du lien entre l’Église et la montagne, jusqu’aux pratiques les plus récentes.

Zitierweise:
Roulin, Stéphanie: Rezension zu: Rime, Jacques: Le baptême de la montagne. Préalpes fribourgeoises et construction religieuse du territoire (XVIIe–XXe siècles), Neuchâtel 2021. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, Vol. 116, 2022, S. 471-473. Online: https://doi.org/10.24894/2673-3641.00127.