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Cette étude s’appuie sur la trajectoire de la famille Pedrazzini au XVIIIe siècle. Originaires du village tessinois de Campo, dans la vallée de la Maggia, cette dynastie de marchands « suisses » s’installe à Cassel dans le Landgraviat de Hesse-Cassel au centre du Saint Empire. La société Gaspard Pedrazzini & Fils s’y livre au commerce de produits coloniaux et connecte de cette manière les mondes. Loin de représenter un espace immobile, en marge de l’économie et de la société d’Ancien Régime, l’auteur s’attache au contraire à dresser une fresque dynamique d’une région montagnarde de la Suisse italienne actuelle. Au fil de l’organisation familiale, des mouvements fréquents, ou encore de la scolarisation de ses protagonistes, la conscience critique de l’auteur nous engage à considérer la société alpine moderne comme un laboratoire des mécanismes et des problématiques contemporains. A l’instar des monographies qui entreprennent les premières d’explorer les communautés alpines (on pense à Harriet Rosenberg pour la vallée du Queyras ou à Pier Paolo Viazzo pour la Valsesia), les recherches de Giuseppe Mondada ont exhorté Francesca Chiesi Ermotti à poursuivre l’analyse de la mobilité mercantile depuis le Tessin. Elle se penche sur l’émigration d’une élite locale endogame dont les stratégies et la mobilisation des ressources servent de variables d’ajustement pour remédier aux déséquilibres entre le milieu alpin et le marché global. En adoptant une approche microhistorique, l’auteur donne ainsi à apprécier, comme ont pu le faire Laurence Fontaine et Luigi Lorenzetti, la diversité des archétypes migratoires. L’ouvrage se scinde en quatre parties. La première, consacrée aux Pedrazzini de Campo, retrace l’histoire de la constitution du fonds documentaire conservé aux Archives d’Etat du canton du Tessin. S’appuyant sur un corpus de sources inédites et encore inexploitées, ce livre puise dans le fonds Pedrazzini, l’originalité d’un sujet qui tranche avec l’étude du grand négoce et de la banque protestante. La constitution du fonds résulte d’un travail de collecte dont le versement est venu récemment étoffer les archives privées du Tessin. Dépositaire de la mémoire familiale, ce fonds enracine les Pedrazzini dans leur communauté villageoise d’origine. A la richesse matérielle qui caractérise cette documentation s’ajoute celle d’un patrimoine entretenu par des figures féminines auxquelles l’émigration masculine a confié la gestion. Leurs biens témoignent non seulement d’une curieuse dichotomie urbain-rural, mais aussi de la sensibilité des membres de la famille aux influences étrangères. La seconde partie, dévolue au pouvoir et au crédit, interroge la position sociale et le rôle de ces notables à l’échelle de la commune et du baillage. La mobilité temporaire des Pedrazzini ne constitue pas un frein à l’exercice de fonctions politicoadministratives et moins encore à leur implication dans la vie de la collectivité. Cette famille édifie sa notoriété sur la base du patronage et du mécénat religieux qui légitiment sa condition au sein de la communauté alpine. La construction du pouvoir local des Pedrazzini s’articule principalement autour de la propriété. Bien que la terre leur offre respectabilité et assise foncière, les biens-fonds servent aussi de garantie financière dans le cadre de leurs activités en Allemagne. Quant à l’administration de ces actifs dans les Alpes, elle donne lieu à une présence permanente à Campo qu’un « tournus » en Allemagne rend possible. Cette organisation est la clé de voûte de l’émigration temporaire qui caractérise la région. Si la famille Pedrazzini garde de cette manière le contrôle sur ses affaires au pays, elle sert aussi d’intermédiaire à la population migrante de la vallée. La troisième partie se concentre sur la société de commerce Gaspard Pedrazzini & Fils, implantée en Allemagne. Après une scolarité dans leur pays d’origine et la mise en pratique de leurs connaissances chez des compatriotes, les jeunes marchands entrent dans la maison familiale à Cassel. Cette dernière étape marque l’aboutissement d’un apprentissage théorique et moral où le savoir-faire se complète par l’éveil à une conception de leur dignité. Comme pour beaucoup d’autres commerçants étrangers en Europe, l’accès à l’appartenance locale en Allemagne n’est pas un objectif poursuivi par les Pedrazzini. Les autorités municipales de Cassel mobilisent des leviers fiscaux et juridiques pour offrir à un petit nombre de marchands étrangers des prérogatives commerciales. En tirant profit de ce contexte favorable à son implantation, l’entreprise Pedrazzini apporte donc sa contribution professionnelle en échange de privilèges pour l’obtention desquels l’intégration n’est pas indispensable. Pourvoyeuse de main d’œuvre, les Alpes du Sud servent par ailleurs de bassin de recrutement pour le personnel de la boutique. Cette logique intra-communautaire dans les rapports de travail s’appuie aussi bien sur la confiance que la loyauté et constitue une garantie pour le groupe propriétaire à Campo. En effet, la recherche de main d’œuvre dans leur communauté d’origine a une incidence directe sur l’emprise que les Pedrazzini ont sur leurs employés. La quatrième et dernière partie analyse le système de reproduction familial à l’aune des contentieux qui éclatent chez les Pedrazzini au moment où le groupe de parenté se ferme peu à peu sur luimême. Les litiges à propos de l’entreprise familiale à Cassel et de l’oratoire Saint Jean Baptiste à Campo mettent en évidence les problèmes de préservation des droits entre les héritiers. 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Jahrhundert bis in die Gegenwart reichen. Die mit 115 Schachteln ungemein umfangreiche Überlieferung besteht im Kern aus einer großen Masse an Korrespondenzen von Angehörigen dieser Familie, die bis weit ins 19. Jahrhundert hinein hauptsächlich als Händlerfamilie charakterisiert werden kann. Da diese Familie immer wieder ihre männlichen Angehörigen für viele Jahre ins nordalpine Ausland schickte, um einen transalpinen oder sogar globalen Fernhandel abzuwickeln, birgt diese Überlieferung, die vor allem die wirtschaftlichen, aber auch weitere Dimensionen der Familienaktivitäten betrifft, ein weit über die Regionalgeschichte reichendes Erkenntnispotential. Die in den letzten Jahren intensiv geführten Debatten zur historischen Migrationsforschung und der eng mit ihr verbundenen Geschichte des Fernhandels in der Vormoderne haben zu einer reichhaltigen Thesenbildung angeregt, wobei ein gewisser Debattenkern häufig um den Modus Operandi von Familiennetzwerken in ökonomischen Aktivitäten über weite Distanzen kreiste. Viele einschlägige Thesen können am Bestand zur Familie Pedrazzini im Detail überprüft und in ihrer praktischen Funktionsweise im historischen Verlauf nachvollzogen werden. Chiesi Ermotti greift die entsprechenden Debatten reflektiert in ihrer Einleitung auf, fügt ihre Arbeit aber vor allem in den Zusammenhang der historischen Familienforschung ein, was neben der „network analysis“ auch Ansätze und Erkenntnisse für die von ihr explizit benannten Felder der „gender history“, der „microstoria“ und einer „global history“ im kleinen Maßstab im weiteren Sinne impliziert. Sie fragt gezielt nach der Familie als einem vor allem in der Frühen Neuzeit besonders engen Personenverband, der über Jahrhunderte und weite Räume agieren konnte. Sie stützt sich dabei vor allem auf den Ansatz einer angeblich in Nordeuropa lange vor Südeuropa bereits erkennbaren „Nuclear Family“ als eines Typus, der seit den 1960er-Jahren von der „Cambridge Group“ als Konzept stark gemacht und von Südeuropa abgegrenzt wurde. Sie benennt in der Einleitung einige der einschlägigen Diskussionen und Hypothesen, so die These einer Transition von kühlen zu warmen Gesellschaften („da una società ‚fredda‘ a una ‚calda‘“, S. 18). Auch die umfangreiche Forschung zu transalpinen Migrationsphänomenen oder zu familieninternen Hierarchien und Organisationsstrukturen sowie deren Erweiterung in Form von Klientelnetzwerken werden hier aufgegriffen. Gegliedert ist die Arbeit in vier große Abschnitte mit einer sehr feinteiligen Untergliederung. Ziel dieser Struktur ist es offenbar, möglichst viele Quellen in die Analyse einzubeziehen. Der erste Abschnitt ist den Pedrazzini in Campo selbst gewidmet. Hier beschreibt Chiesi Ermotti zunächst die eng mit der Familiengeschichte verwobene Entstehungsgeschichte des Archivs und dessen Inhalte. Daraufhin beleuchtet sie die demographische Entwicklung und zeigt den bedeutenden Platz der Pedrazzini innerhalb der Gesamtgemeinde. Im Folgenden beleuchtet sie Strategien der Familie zur Erzeugung von Distinktion, etwa durch ihre imposanten Gebäude oder die Dienerschaft. Die Autorin behandelt hier auch die Rolle der Frauen in der Familie, die als aktive „padrone di palazzi signorili“ (S. 87) erscheinen und bei der Ausrichtung der Familienstrategie eine wichtige Rolle spielten. Der zweite Teil zu „Kredit und Macht“ widmet sich den Strategien der Familie Pedrazzini zur Sicherung ihrer herausgehobenen Stellung in ihrer Heimatregion vor allem durch Klientelismus, Patronage, religiöses Engagement und Mäzenatentum. Wir erfahren hier viel zum Einfluss der Pedrazzini auf den verschiedenen regionalen Ebenen, vom dörflichen Raum bis hin zum gesamten Tessin. Das geistliche Leben und die vielfältigen hier beobachtbaren Engagements der Pedrazzini werden im Folgenden in großer Ausführlichkeit dargelegt, so Spenden und karitative Tätigkeiten, aber auch manche Karrieren von Familienmitgliedern im katholischen Klerus. Man sieht eine Familie, die sicherlich fromm war, dies aber auch deutlich nach außen zur Schau stellte. Weiterhin erfahren wir, dass die Familie zielgerichtet Ländereien in der weiteren Region auf der Grundlage ihrer Einnahmen aus dem Handel erwarb und so das familiäre Vermögen lokal absicherte. Kredite gab die Familie auch, nicht selten zur klientilären Bindung, jedoch verhielt sie sich hierbei insgesamt eher zurückhaltend. Auch die prokuratorische Tätigkeit der Familie zur Verwaltung von Vermögenswerten anderer Emigranten erfährt hier eine eingehende Darstellung. Die Pedrazzini verwalteten ihre Güter selbst, und die familiären Rückkehrer aus dem deutschsprachigen Raum fanden entsprechend in Campo eine neue anspruchsvolle Beschäftigung. Der dritte Abschnitt besitzt für die deutsche Geschichte eine hohe Relevanz, da hier die Tätigkeit der Firma in Kassel intensiv beleuchtet wird. Wir erfahren viel über die Bildungswege und die Disziplinierungsstrategien der für den Handel auserkorenen Söhne, zunächst in Pfarrerschulen, dann in prestigereichen kirchlichen Bildungseinrichtungen und schließlich über die praktische Ausbildung für den Handel, unter anderem durch den Erwerb von Fremdsprachenkenntnissen und die Vermittlung allgemeiner Verhaltensanweisungen. 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Einen Ausgleich bietet jedoch die Tatsache, dass das Buch im Open Access vorhanden und daher eine elektronische Durchsuchung möglich ist. Die Dissertation von Chiesi Ermotti zeigt angesichts der bisherigen weitgehenden Unbekanntheit der Pedrazzini in Deutschland, dass viele bedeutende Aspekte der Geschichte der Migration von Italienern ins Alte Reich kaum Niederschlag in den nordalpinen Aktenüberlieferungen gefunden haben. Da die sogenannte „Italienerwanderung“ ins Alte Reich seit dem frühen 17. Jahrhundert ein verbreitetes Phänomen war und so illustre Familien wie die Brentano, Bolongaro oder Guaita in Deutschland betraf, da zugleich aber ein vergleichbarer Quellenbestand bislang nicht bekannt war, kommt der Arbeit von Chiesi Ermotti große Bedeutung für die Forschung zum Alten Reich zu. Zahlreiche Fragen nach vielen Details der Italienerwanderung können hier exemplarisch bearbeitet werden. So erfahren wir etwa, wie der Nachwuchs planmäßig ausgebildet wurde: durch eine besonders gute Schulbildung im Tessin, gefolgt von Lehrjahren in Deutschland, häufig auch bei befreundeten italienischen Familien und schließlich durch die Übertragung wichtiger Funktionen in der bedeutenden Kasseler Filiale. Auch befreundete italienische Familien in Frankfurt, Mainz, Heidelberg oder Ansbach erfahren so eine indirekte Beleuchtung. Die besonders elevierte Position der Pedrazzini nach Rückkehr von Familienmitgliedern aus dem Alten Reich ins Tessin fügt sich ins Bild, da die sehr guten Deutschkenntnisse den Pedrazzini in der Eidgenossenschaft die Übernahme von Sprecherfunktionen gegenüber den Vögten erleichterten. Bei den Pedrazzini sind einige Besonderheiten des Phänomens der „Italienerwanderung“ festzuhalten, allen voran der Umstand, dass die Familie eben nicht aus Italien, sondern dem Tessin mit der besonderen politischen Struktur eines relativ autonomen Untertanenlands der Eidgenossenschaft stammte. Bemerkenswert ist auch, dass sich hier eine dezidiert katholische Familie mit ihrer wichtigsten Filiale über ein Jahrhundert in einem der Zentren des deutschsprachigen Reformiertentums halten konnte (der Standort Kassel wurde erst 1830 aufgegeben). Dies erklärt sich durch die überragende Fähigkeit der Pedrazzini, entweder direkt oder über andere italienische Familien in Deutschland, vor allem die Guaita in Frankfurt, koloniale Produkte oder Südfrüchte und viele weitere begehrte Luxusgüter zu einem besonders guten Preis zu liefern. Dabei ist bemerkenswert, dass die Kolonialwaren hauptsächlich über Amsterdam und in zweiter Instanz über Frankfurt bezogen wurden – dies verweist auf die bedeutende, aber bislang nur wenig bekannte Italienergemeinde in Amsterdam im 18. Jahrhundert. Auch in diesem Sinne waren die Pedrazzini nicht typische Exponenten der Italienerwanderung, sondern eher Repräsentanten einer überregionalen Händlerelite im weiteren Umkreis des Lago Maggiore und des Lago di Como. Dies zeigt sich auch bei der Anbindung an Finanznetzwerke der Italiener, die für die deutschen Höfe von besonderer Bedeutung war, da hier Kreditbedürfnisse von Höflingen bedient werden konnten. Das erhöhte die wechselseitige Abhängigkeit und war so auch im Interesse der Pedrazzini mit ihrer stets fragilen Stellung in Kassel. Es brachte aber auch manchmal Probleme bei der Einforderung von ausstehenden Geldern. Eine weitere Besonderheit ist, dass es nie zu einer festen Ansiedelung in Kassel oder einer Einheiratung in Deutschland kam, die Pedrazzini blieben letztlich immer von der Umgebungsgesellschaft getrennt. In der deutschen Forschungslandschaft ist dem Werk eine breite Rezeption zu wünschen, da es für wichtige Themen der Geschichte des Alten Reiches bedeutende Erkenntnisse birgt. Das sehr dichte Material, das hier ausgebreitet wird, liefert viele Ansatzpunkte für weitere Forschungen und Anregungen zu zentralen Debattensträngen der Frühneuzeitforschung. Ihrem Anspruch, Globalgeschichte auf kleinem Maßstab darzubieten, ist Chiesi Ermotti erfolgreich gerecht geworden. Anmerkung: [1] Eine solche gebündelte Darstellung bietet die Autorin allerdings im gut gelungenen, in drei Sprachen vorhandenen Artikel des Historischen Lexikons der Schweiz: Francesca Chiesi Ermotti, „Pedrazzini“, in: Dizionario storico della Svizzera (DSS), Version vom 03.05.2022, https://hls-dhs-dss.ch/it/articles/024719/2022-05-03/ (16.02.2023)." 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C. Ermotti: Le Alpi in movimento | infoclio - Rezensionen

F. C. Ermotti: Le Alpi in movimento

Cover
Titel
Le Alpi in movimento. Vicende del casato dei mercanti migranti Pedrazzini di Campo Vallemaggia


Autor(en)
Chiesi Ermotti, Francesca
Reihe
Itinerari
Erschienen
Bellinzona 2019: Edizioni Casagrande
Anzahl Seiten
560 S.
Preis
€ 60,00
von
Laurent Burrus, Historisches Seminar, Universität Zürich

L’ouvrage que Francesca Chiesi Ermotti a tiré de sa thèse, soutenue à l’Université de Genève en 2014, se situe à la croisée de deux champs de l’histoire, les migrations d’un côté et la famille de l’autre. Cette étude s’appuie sur la trajectoire de la famille Pedrazzini au XVIIIe siècle. Originaires du village tessinois de Campo, dans la vallée de la Maggia, cette dynastie de marchands « suisses » s’installe à Cassel dans le Landgraviat de Hesse-Cassel au centre du Saint Empire. La société Gaspard Pedrazzini & Fils s’y livre au commerce de produits coloniaux et connecte de cette manière les mondes. Loin de représenter un espace immobile, en marge de l’économie et de la société d’Ancien Régime, l’auteur s’attache au contraire à dresser une fresque dynamique d’une région montagnarde de la Suisse italienne actuelle. Au fil de l’organisation familiale, des mouvements fréquents, ou encore de la scolarisation de ses protagonistes, la conscience critique de l’auteur nous engage à considérer la société alpine moderne comme un laboratoire des mécanismes et des problématiques contemporains.

A l’instar des monographies qui entreprennent les premières d’explorer les communautés alpines (on pense à Harriet Rosenberg pour la vallée du Queyras ou à Pier Paolo Viazzo pour la Valsesia), les recherches de Giuseppe Mondada ont exhorté Francesca Chiesi Ermotti à poursuivre l’analyse de la mobilité mercantile depuis le Tessin. Elle se penche sur l’émigration d’une élite locale endogame dont les stratégies et la mobilisation des ressources servent de variables d’ajustement pour remédier aux déséquilibres entre le milieu alpin et le marché global. En adoptant une approche microhistorique, l’auteur donne ainsi à apprécier, comme ont pu le faire Laurence Fontaine et Luigi Lorenzetti, la diversité des archétypes migratoires.

L’ouvrage se scinde en quatre parties. La première, consacrée aux Pedrazzini de Campo, retrace l’histoire de la constitution du fonds documentaire conservé aux Archives d’Etat du canton du Tessin. S’appuyant sur un corpus de sources inédites et encore inexploitées, ce livre puise dans le fonds Pedrazzini, l’originalité d’un sujet qui tranche avec l’étude du grand négoce et de la banque protestante. La constitution du fonds résulte d’un travail de collecte dont le versement est venu récemment étoffer les archives privées du Tessin. Dépositaire de la mémoire familiale, ce fonds enracine les Pedrazzini dans leur communauté villageoise d’origine. A la richesse matérielle qui caractérise cette documentation s’ajoute celle d’un patrimoine entretenu par des figures féminines auxquelles l’émigration masculine a confié la gestion. Leurs biens témoignent non seulement d’une curieuse dichotomie urbain-rural, mais aussi de la sensibilité des membres de la famille aux influences étrangères.

La seconde partie, dévolue au pouvoir et au crédit, interroge la position sociale et le rôle de ces notables à l’échelle de la commune et du baillage. La mobilité temporaire des Pedrazzini ne constitue pas un frein à l’exercice de fonctions politicoadministratives et moins encore à leur implication dans la vie de la collectivité. Cette famille édifie sa notoriété sur la base du patronage et du mécénat religieux qui légitiment sa condition au sein de la communauté alpine. La construction du pouvoir local des Pedrazzini s’articule principalement autour de la propriété. Bien que la terre leur offre respectabilité et assise foncière, les biens-fonds servent aussi de garantie financière dans le cadre de leurs activités en Allemagne. Quant à l’administration de ces actifs dans les Alpes, elle donne lieu à une présence permanente à Campo qu’un « tournus » en Allemagne rend possible. Cette organisation est la clé de voûte de l’émigration temporaire qui caractérise la région. Si la famille Pedrazzini garde de cette manière le contrôle sur ses affaires au pays, elle sert aussi d’intermédiaire à la population migrante de la vallée.

La troisième partie se concentre sur la société de commerce Gaspard Pedrazzini & Fils, implantée en Allemagne. Après une scolarité dans leur pays d’origine et la mise en pratique de leurs connaissances chez des compatriotes, les jeunes marchands entrent dans la maison familiale à Cassel. Cette dernière étape marque l’aboutissement d’un apprentissage théorique et moral où le savoir-faire se complète par l’éveil à une conception de leur dignité. Comme pour beaucoup d’autres commerçants étrangers en Europe, l’accès à l’appartenance locale en Allemagne n’est pas un objectif poursuivi par les Pedrazzini. Les autorités municipales de Cassel mobilisent des leviers fiscaux et juridiques pour offrir à un petit nombre de marchands étrangers des prérogatives commerciales. En tirant profit de ce contexte favorable à son implantation, l’entreprise Pedrazzini apporte donc sa contribution professionnelle en échange de privilèges pour l’obtention desquels l’intégration n’est pas indispensable. Pourvoyeuse de main d’œuvre, les Alpes du Sud servent par ailleurs de bassin de recrutement pour le personnel de la boutique. Cette logique intra-communautaire dans les rapports de travail s’appuie aussi bien sur la confiance que la loyauté et constitue une garantie pour le groupe propriétaire à Campo. En effet, la recherche de main d’œuvre dans leur communauté d’origine a une incidence directe sur l’emprise que les Pedrazzini ont sur leurs employés.

La quatrième et dernière partie analyse le système de reproduction familial à l’aune des contentieux qui éclatent chez les Pedrazzini au moment où le groupe de parenté se ferme peu à peu sur luimême. Les litiges à propos de l’entreprise familiale à Cassel et de l’oratoire Saint Jean Baptiste à Campo mettent en évidence les problèmes de préservation des droits entre les héritiers. Dans le cas du commerce à Cassel, l’argumentation des requérants s’appuie d’une part sur l’investissement des animateurs du commerce et d’autre part sur l’appartenance au groupe de parenté pour justifier la propriété de la société. Aux questions matérielles se superposent des enjeux symboliques mémoriels qui transcendent les générations et dont l’écho amplifie les lignes de fractures familiales au fil du temps.

Dans un subtile mélange d’interdépendances entre deux domaines de l’historiographie et deux espaces géographiques, cet ouvrage donne à penser les échanges marchands au XVIIIe siècle sous l’angle d’une fabrique familiale des réseaux migratoires. Si le découpage spatial existe, les thèmes qui gouvernent à l’organisation du volume manifestent le souci de comprendre les différents aspects d’une réalité complexe dans laquelle le magasin de Cassel se situe dans le prolongement du village de Campo malgré la distance qui les sépare. Plus que dans l’attachement à la terre d’origine ou la trajectoire transnationale qui caractérise les membres de la famille Pedrazzini, l’originalité de cette étude réside surtout dans la corrélation entre les intérêts commerciaux et les relations familiales. Nul doute que cette étude de cas saura captiver le lecteur qui partira à la découverte d’autres dynasties commerçantes des baillages, cantons et pays alliés du Corps helvétique.

Zitierweise:
Burrus, Laurent: Rezension zu: Chiesi Ermotti, Francesca: Le Alpi in movimento. Vicende del casato dei mercanti migranti Pedrazzini di Campo Vallemaggia. Bellinzona 2019. Zuerst erschienen in: Archivio Storico Ticinese, 2020, Vol. 168 pagine 164-165.

Redaktion
Autor(en)
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in

Archivio Storico Ticinese, 2020, Vol. 168 pagine 164-165.

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