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Si elle est caractérisée comme «froide» sans conflits armés majeurs les opposant directement, la «guerre» qui s’ouvre en 1947 pour s’achever en 1991 avec la dislocation de l’URSS a souvent été décrite comme l’opposition entre deux mondes irréconciliables, totalement isolés l’un d’avec l’autre. Les relations étaient réduites au strict nécessaire et on évitait à tout prix de s’influencer mutuellement de peur de donner à ses propres populations l’impression que c’était mieux de l’autre côté. En s’appuyant sur les domaines politiques, militaires, diplomatiques, économiques, technologiques, scientifiques, l’historiographie a martelé à l’envi ces postulats avec le risque de tomber – consciemment ou inconsciemment – dans un militantisme parfois peu compatible avec une approche dite scientifique. Avec leur ouvrage issu d’une session de la 5e rencontre des jeunes chercheurs en histoire contemporaine à Barcelone en 2015, les éditeurs s’inscrivent dans une nouvelle tendance historiographique perceptible depuis quelques années. Loin d’aboutir à l’idée que finalement ces deux mondes «s’aimaient» – ce qui serait ridicule –, ils renforcent la thèse selon laquelle ces mondes ne s’ignoraient pas ou tout au moins admettaient des points de rencontre. Le sport présente à cet égard un champ idéal d’études. «Divisés mais pas déconnectés» pour reprendre le titre d’un ouvrage paru en 2011, ces mondes, en s’affrontant sur un terrain de football, d’athlétisme, dans une salle de basketball ou une piscine, se sont influencés ou ont tenté d’influencer l’adversaire – qui restait un ennemi –, sans compter que ces rencontres pouvaient générer une meilleure compréhension de l’autre même pour le dénigrer.[2] Certes les boycotts n’ont pas manqué, renforçant la thèse initiale de l’opposition dure et musclée : que l’on pense aux Jeux Olympiques de Melbourne en 1956, de Moscou en 1980 et de Los Angeles en 1984. Mais en d’autres occasions, pour des événements peut-être moins médiatisés, des rencontres ont vu s’affronter des équipes de l’Est et l’Ouest dans des parties où la suprématie des uns sur les autres restait l’enjeu mais où les sourires et les poignées de main avant ou après le match matérialisaient un respect des règlements et le sentiment qu’on partageait les mêmes sensations. C’est à ces rencontres que les contributions rassemblées ici se sont intéressées. Se focalisant surtout sur les compétitions qui eurent lieu sur le continent européen, elles montrent comment il faut les comprendre dans un contexte qui restait tendu. Le cas de la ville de Trieste à la frontière de deux mondes (1945–1948), la spécialisation et la scientifisation des méthodes d’entraînement dans le ski de fond telles qu’elles sont comprises en Suède et en URSS depuis les années quarante, la politique sportive du régime franquiste envers le Bloc de l’Est, les interactions du sport soviétique en Europe, le rôle de l’UEFA dans les échanges Est-Ouest entre 1945 et 1955, le cas de la Conférence européenne sur les Sports dans les années 1970 et 1980, l’impact des basketteurs américains dans les bases militaires en France, les jeunes pionniers ghanéens dans l’orbite soviétique, le rôle du jeu d’échec dans la Guerre froide à travers le «match du siècle» Spassky-Fischer à Reykjavik, la tournée des joueurs de ping-pong chinois en Suisse en 1972, le menu proposé est suffisamment riche et varié pour nous faire entrer dans les dédales des confrontations et dégager une explication à ces événements. Car sous les sourires et les poignées de main que les photographes immortalisaient à loisir, que se cachait-il? Le célèbre aphorisme de George Orwell à l’issue de la tournée réalisée en Grande-Bretagne par le Dynamo de Moscou en novembre 1945 – «Le sport c’est la guerre, les fusils en moins » – résume-t-il complètement ce qui s’est passé jusqu’à la chute du Mur en 1991? Fallait-il préférer de toute évidence ces confrontations en culottes courtes à tout affrontement armé, une victoire ou une défaite sur un terrain de football valant de toute manière mieux que des milliers de morts sur un champ militaire? Comme le montre la plupart des articles, la diplomatie n’était jamais absente de ces manifestations – le joueur quel qu’il soit pouvant troquer sa tenue de sportif contre l’uniforme de l’officier ou de l’agent de renseignement une fois la partie terminée – et la volonté d’en découdre autrement que sur un champ de bataille pour assurer la suprématie d’un camp ou de l’autre, non plus. Mais en suivant Martin Polley de la Montfort University dans une postface très éclairante, on peut aussi émettre l’idée que ces confrontations faisaient entrer les intervenants dans les univers plus personnels de contacts et d’interactions, que ce soit entre les officiels qui organisaient et encadraient ces événements ou les groupes de joueurs qui s’y affrontaient. Une rencontre n’est jamais innocente et laisse des traces sur les participants à titre individuel ou collectif même s’ils restent convaincus – de gré ou de force – qu’ils se trouvent dans le bon camp. En laissant de côté des aspects spectaculaires qui ont amené aux boycotts et qui ont fait l’objet de nombreuses études, en laissant aussi de côté les grands événements – tels les Jeux Olympiques – médiatisés à outrance, ces jeunes historiens nous invitent à déplacer notre regard vers des confrontations peut-être moins importantes, plus discrètes mais tout aussi révélatrices de la place du sport dans les sociétés, à l’Est comme à l’Ouest. Dans ses Huit leçons sur le sport, Paul Yonnet écrit que «le phénomène sportif repose entièrement sur une demande sociale constituée de deux éléments: une demande de sport direct et une demande de spectacle.»35 Durant la Guerre froide, le sport n’a pas échappé à cette dimension. De ce point de vue, aller au-delà des boycotts, c’est aussi envisager l’après-guerre. Anmerkungen [1] Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris 1952, (Cahier des Annales, vol. 3) p. 36. [2] Tobias Hochscherf, Christopher Laucht, Andrew Plowmann (dir.), Divided, but not Disconnected. German Experiences of the Cold War, New York 2011 Zitierweise: Tissot, Laurent: Rezension zu: Vonnard, Philippe; Sbetti, Nicol; Quin, Grégory (eds.): Beyond Boycotts. Sport during the Cold War in Europe, Berlin / Boston 2018. Zuerst erschienen in: |http://www.sgg-ssh.ch/de/publikationen/schweizerische-zeitschrift-fuer-geschichte-szg|Schweizerische Zeitschrift für Geschichte| 71 (3), 2021, S. 576-577. Online: ." 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Inzwischen aber ist die Sportgeschichte ihren Kinderschuhen längst entwachsen und erfreut sich eines zunehmenden Interesses auch unter „Allgemeinhistorikern“.[2] Sportliche Großveranstaltungen avancierten in der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts regelmäßig zu Brenngläsern des Ost-West-Konflikts, sodass es kaum verwundert, dass die beiden einschlägigen Datenbanken sportbezogener Wissenschaften eine Vielzahl an Publikationen dazu ausweisen. So führt der kommerziell von EBSCO betriebene SPORTDiscus für das Suchstichwort „Cold War“ 241 wissenschaftliche Fundstellen auf, während das Bundesinstitut für Sportwissenschaft (BISp) in seinem frei zugänglichen Sportinformationsportal SURF sogar auf 287 Treffer kommt (beide Datenbanken mit Stand 22. Juni 2018).[3] Vor diesem Hintergrund bespielt der vorliegende Sammelband zwar kein gänzlich neues Feld, vermeidet aber gekonnt die bisherigen Standards: Wie der Titel „Beyond Boycotts“ bereits erkennen lässt, sind die Autoren der taktischen Anweisung der Herausgeber gefolgt, Großveranstaltungen, explizit „Olympische Spiele“ (S. 5), zu umdribbeln. Hinter dieser Idee steckt die generelle Absicht, nicht das Trennende, sondern das Verbindende zu betonen, das den Sport als gesellschaftliches Feld auszeichnen kann. Um dieses Ziel zu erreichen, soll die Komplexität des Sports in internationalen Beziehungen stärker hervorgehoben werden (S. 7). Die dafür aufgebotene Mannschaft hat ein beeindruckendes Potential. So laufen die 13 Nachwuchswissenschaftlerinnen und -wissenschaftler für akademische Einrichtungen Belgiens, Deutschlands, Frankreichs, Großbritanniens, Italiens, Schwedens, der Schweiz und Spaniens auf. Zudem wurde mit Martin Polley (De Montfort University, Leicester) einer der international renommiertesten Sporthistoriker für das Nachwort verpflichtet. Die zehn Beiträge, die der vorliegende Sammelband umfasst, sind drei Oberthemen zugeordnet: erstens Fallstudien zur europäischen Sportdiplomatie, zweitens Erkenntnisse zum blockübergreifenden innereuropäischen Austausch und drittens Beiträge zu transkontinentalen Beziehungen. Nicola Sbetti stellt im Auftaktkapitel die Rolle des Sports im italienischen Triest der unmittelbaren Nachkriegszeit (1945–1948) dar – der Kalte Krieg hatte also noch nicht begonnen, ließ seine Konfliktzonen aber schon erahnen. Sportaktivitäten spiegelten hier nicht nur politisch-ideologische Linien zwischen Sozialisten und liberalen Demokraten, sondern beeinflussten auch selbst das politische Leben der Stadt (S. 32). Einen gänzlich anderen Blick auf das Phänomen Sport richtet ein Autoren-Duo: Daniel Svensson und Anna Åberg vergleichen die Entwicklung der trainingswissenschaftlichen bzw. leistungsphysiologischen Expertise im Skisport sowie deren Verbreitung in Schweden und der Sowjetunion, vor allem in der Zeit von 1940 bis 1970. Historische Studien zur Trainingswissenschaft sind ein relativ wenig beackertes Feld, sodass es nicht verwundert, dass die Autoren schließlich mehr Fragen als Antworten haben. Als zentrales Desiderat machen sie Untersuchungen zur nationalen Entwicklung und internationalen Verbreitung sportwissenschaftlicher Erkenntnisse aus (S. 52f.). Wie in vielen Diktaturen, so wurde auch in Spanien unter Franco der Sport für politische Zwecke genutzt. Juan Antonio Símon konzentriert sich in seiner Analyse auf die Instrumentalisierung des Sports durch das Ministerium für Auswärtige Angelegenheiten während der 1960er-Jahre. 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Auch die Turniere an sich stellten eine Möglichkeit dar, persönlich mit Menschen von der anderen Seite des Eisernen Vorhangs in Kontakt zu treten, woraus wiederum ein Beziehungsgeflecht resultierte, das die politischen Differenzen der Staatsführungen überbrücken konnte. Einem ähnlichen Ansatz folgt Stefan Scholl, der die Europäischen Sportkonferenzen (ESC) in Bezug auf „Cooperation and conflict“ prüft und sie schließlich als „important platform of communication in sports between East and West during the 1970s and 1980s“ charakterisiert (S. 131). Wie eine kurze Recherche mit der Archivsuchmaschine ARGUS zeigt, lagern auch im Bundesarchiv (Stiftung Archiv und Parteien der Massenorganisationen der DDR, SAPMO) noch Dokumente für weiterführende Studien zu den ESC. Vor dem Hintergrund allgemeiner Literatur zur öffentlichen Diplomatie der Vereinigten Staaten gibt François Doppler-Speranza einen Einblick in die Wirkung der US-amerikanischen „Basketball Ambassadors on US Military Bases in France (1916–1961)“. Die hier im Untertitel angegebene große Zeitspanne und die damit verbundenen unterschiedlichen politischen Settings erlauben allerdings gemeinsam mit den wenigen Originalquellen bestenfalls einen Überblick mit Schwerpunkt auf der Zeit nach dem Zweiten Weltkrieg. Nahezu ohne Quellenkritik stützt sich der Autor fast ausschließlich auf zwei Oral-History-Interviews mit dem ehemaligen Basketballer Robert E. Sisk sowie auf Artikel der US-amerikanischen Stützpunktzeitung „Chambley Sabre“. Sisk spielte für die „Desert Rats“, die unter anderem Kontakte zur lokalen Bevölkerung herstellen sollten, um das Ansehen der USA in Frankreich zu stärken (S. 150). Claire Nicolas verfolgt mit „The Ghana Young Pioneers“ eine „African grounded perspective“ (S. 157), die verdeutlicht, wie die ghanaische Jugend unter Präsident Kwame Nkrumah in den 1960er-Jahren Mittel der Entwicklungshilfe dazu nutzte, Großbritannien, die Sowjetunion und China zu bereisen, um die neu gewonnene Unabhängigkeit ihres Landes zu verdeutlichen und sportpraktisches Know-how zu erwerben. Mit Recht fordert Nicolas abschließend, die Forschung zu südlichen Staaten in den _Cold War Studies_ zu vertiefen. In seiner medienhistorischen Betrachtung zu dem berühmten Stellvertreterwettkampf im Schach zwischen Bobby Fischer und Boris Spasskij (Reykjavik, 1972) kommt Souvik Naha ohne Archivgut aus. Mit einigen Belegen aus englischsprachigen Zeitungen zeigt er – wenig überraschend –, dass die Presse das Duell politisch konnotierte. Russische Berichte werden dabei leider nur aus zweiter Hand wiedergegeben. Abschließend schildern Quentin Tonnerre und Grégory Quin die ebenfalls 1972 durchgeführten Demonstrationswettkämpfe chinesischer Tischtennisspieler in der Schweiz. Damit verdeutlichen sie vor allem die Neuordnung schweizerischer Sportdiplomatie in den 1970er-Jahren. Nahezu auf allen Positionen werden die Autorinnen und Autoren dem Anspruch gerecht, Fallstudien mit bislang nicht berücksichtigten Quellen zu präsentieren, die teilweise noch kaum oder gar nicht bekannten Archivbeständen entstammen. Ein Personenregister und eine Auswahlbibliographie bereichern die Nachspielzeit des Sammelbandes. Kleinere redaktionelle Ungenauigkeiten fallen kaum auf und sollen die insgesamt hervorragende Leistung nicht schmälern – für Erbsenzähler sei dennoch darauf hingewiesen: Die deutsche Sporthistorikerin Evelyn Mertin heißt mal Evelyne (S. 7), mal Martin (S. 186), und eine Jahresangabe fehlt in der Auswahlbibliographie für den Beitrag von Kevin Witherspoon (S. 228). Wichtiger aber: Nach dem Spiel ist vor dem Spiel, und so wären weitere Studien zu dem vorgelegten Thema zu begrüßen. Martin Polley liefert dafür in seinem Nachwort Anregungen. So könnten etwa politisch orientierte Sportveranstaltungen wie die Makkabiaden ins Visier genommen werden. Ebenso wären die Rolle des Sports in Städtepartnerschaften und die sozialen Kontakte unter international reisenden Fans lohnende Spielbälle für die nächste Partie. Anmerkungen: [1] https://www.degruyter.com/view/serial/495549 (29.06.2018). [2] Vgl. z.B. Wolfram Pyta, Sportgeschichte aus der Sicht des Allgemeinhistorikers: methodische Zugriffe und Erkenntnispotentiale, in: Andrea Bruns / Wolfgang Buss (Hrsg.), Sportgeschichte erforschen und vermitteln. Jahrestagung der dvs-Sektion Sportgeschichte vom 19.-21. Juni 2008 in Göttingen, Hamburg 2009, S. 9–21. [3] Im Sportinformationsportal SURF (Sport und Recherche im Fokus) wurde die Suche mit dem Schlagwort „Ost-West-Konflikt“ um eine freie Suche nach „Kalter Krieg“ ergänzt. Die aktuellen Ergebnisse können hier eingesehen werden: https://www.bisp-surf.de/Search/Results?join=OR&bool0%5B%5D=AND&lookfor0%5B%5D=Ost-West-Konflikt&type0%5B%5D=Subject&bool1%5B%5D=AND&lookfor1%5B%5D=%22Kalte%2A+Krieg%22&type1%5B%5D=AllFields&sort=year+desc (29.06.2018)." 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Vonnard u.a. (Hrsg.): Beyond Boycotts | infoclio - Rezensionen

P. Vonnard u.a. (Hrsg.): Beyond Boycotts

Cover
Titel
Beyond Boycotts. Sport during the Cold War in Europe


Herausgeber
Vonnard, Philippe; Sbetti, Nicola; Quin, Grégory
Reihe
Rethinking the Cold War 1
Erschienen
Berlin 2018: De Gruyter Oldenbourg
Anzahl Seiten
VIII, 234 S.
Preis
€ 79,95
URL
von
Tissot Laurent

«Le passé est, par définition, un donné que rien ne modifiera plus. Mais la connaissance du passé est une chose en progrès, qui sans cesse se transforme et se perfectionne».1 L’ouvrage dont on rend compte ici répond parfaitement à ce que Marc Bloch écrivait il y a plus de 70 ans. Si elle est caractérisée comme «froide» sans conflits armés majeurs les opposant directement, la «guerre» qui s’ouvre en 1947 pour s’achever en 1991 avec la dislocation de l’URSS a souvent été décrite comme l’opposition entre deux mondes irréconciliables, totalement isolés l’un d’avec l’autre. Les relations étaient réduites au strict nécessaire et on évitait à tout prix de s’influencer mutuellement de peur de donner à ses propres populations l’impression que c’était mieux de l’autre côté. En s’appuyant sur les domaines politiques, militaires, diplomatiques, économiques, technologiques, scientifiques, l’historiographie a martelé à l’envi ces postulats avec le risque de tomber – consciemment ou inconsciemment – dans un militantisme parfois peu compatible avec une approche dite scientifique.

Avec leur ouvrage issu d’une session de la 5e rencontre des jeunes chercheurs en histoire contemporaine à Barcelone en 2015, les éditeurs s’inscrivent dans une nouvelle tendance historiographique perceptible depuis quelques années. Loin d’aboutir à l’idée que finalement ces deux mondes «s’aimaient» – ce qui serait ridicule –, ils renforcent la thèse selon laquelle ces mondes ne s’ignoraient pas ou tout au moins admettaient des points de rencontre. Le sport présente à cet égard un champ idéal d’études. «Divisés mais pas déconnectés» pour reprendre le titre d’un ouvrage paru en 2011, ces mondes, en s’affrontant sur un terrain de football, d’athlétisme, dans une salle de basketball ou une piscine, se sont influencés ou ont tenté d’influencer l’adversaire – qui restait un ennemi –, sans compter que ces rencontres pouvaient générer une meilleure compréhension de l’autre même pour le dénigrer.2 Certes les boycotts n’ont pas manqué, renforçant la thèse initiale de l’opposition dure et musclée : que l’on pense aux Jeux Olympiques de Melbourne en 1956, de Moscou en 1980 et de Los Angeles en 1984. Mais en d’autres occasions, pour des événements peut-être moins médiatisés, des rencontres ont vu s’affronter des équipes de l’Est et l’Ouest dans des parties où la suprématie des uns sur les autres restait l’enjeu mais où les sourires et les poignées de main avant ou après le match matérialisaient un respect des règlements et le sentiment qu’on partageait les mêmes sensations.

C’est à ces rencontres que les contributions rassemblées ici se sont intéressées. Se focalisant surtout sur les compétitions qui eurent lieu sur le continent européen, elles montrent comment il faut les comprendre dans un contexte qui restait tendu. Le cas de la ville de Trieste à la frontière de deux mondes (1945–1948), la spécialisation et la scientifisation des méthodes d’entraînement dans le ski de fond telles qu’elles sont comprises en Suède et en URSS depuis les années quarante, la politique sportive du régime franquiste envers le Bloc de l’Est, les interactions du sport soviétique en Europe, le rôle de l’UEFA dans les échanges Est-Ouest entre 1945 et 1955, le cas de la Conférence européenne sur les Sports dans les années 1970 et 1980, l’impact des basketteurs américains dans les bases militaires en France, les jeunes pionniers ghanéens dans l’orbite soviétique, le rôle du jeu d’échec dans la Guerre froide à travers le «match du siècle» Spassky-Fischer à Reykjavik, la tournée des joueurs de ping-pong chinois en Suisse en 1972, le menu proposé est suffisamment riche et varié pour nous faire entrer dans les dédales des confrontations et dégager une explication à ces événements.

Car sous les sourires et les poignées de main que les photographes immortalisaient à loisir, que se cachait-il? Le célèbre aphorisme de George Orwell à l’issue de la tournée réalisée en Grande-Bretagne par le Dynamo de Moscou en novembre 1945 – «Le sport c’est la guerre, les fusils en moins » – résume-t-il complètement ce qui s’est passé jusqu’à la chute du Mur en 1991? Fallait-il préférer de toute évidence ces confrontations en culottes courtes à tout affrontement armé, une victoire ou une défaite sur un terrain de football valant de toute manière mieux que des milliers de morts sur un champ militaire? Comme le montre la plupart des articles, la diplomatie n’était jamais absente de ces manifestations – le joueur quel qu’il soit pouvant troquer sa tenue de sportif contre l’uniforme de l’officier ou de l’agent de renseignement une fois la partie terminée – et la volonté d’en découdre autrement que sur un champ de bataille pour assurer la suprématie d’un camp ou de l’autre, non plus. Mais en suivant Martin Polley de la Montfort University dans une postface très éclairante, on peut aussi émettre l’idée que ces confrontations faisaient entrer les intervenants dans les univers plus personnels de contacts et d’interactions, que ce soit entre les officiels qui organisaient et encadraient ces événements ou les groupes de joueurs qui s’y affrontaient. Une rencontre n’est jamais innocente et laisse des traces sur les participants à titre individuel ou collectif même s’ils restent convaincus – de gré ou de force – qu’ils se trouvent dans le bon camp. En laissant de côté des aspects spectaculaires qui ont amené aux boycotts et qui ont fait l’objet de nombreuses études, en laissant aussi de côté les grands événements – tels les Jeux Olympiques – médiatisés à outrance, ces jeunes historiens nous invitent à déplacer notre regard vers des confrontations peut-être moins importantes, plus discrètes mais tout aussi révélatrices de la place du sport dans les sociétés, à l’Est comme à l’Ouest.

Dans ses Huit leçons sur le sport, Paul Yonnet écrit que «le phénomène sportif repose entièrement sur une demande sociale constituée de deux éléments: une demande de sport direct et une demande de spectacle.»35 Durant la Guerre froide, le sport n’a pas échappé à cette dimension. De ce point de vue, aller au-delà des boycotts, c’est aussi envisager l’après-guerre.

Anmerkungen
1 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris 1952, (Cahier des Annales, vol. 3) p. 36.
2 Tobias Hochscherf, Christopher Laucht, Andrew Plowmann (dir.), Divided, but not Disconnected. German Experiences of the Cold War, New York 2011

Zitierweise:
Tissot, Laurent: Rezension zu: Vonnard, Philippe; Sbetti, Nicol; Quin, Grégory (eds.): Beyond Boycotts. Sport during the Cold War in Europe, Berlin / Boston 2018. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 71 (3), 2021, S. 576-577. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00093>.