N. Weber: Lokale Interessen und grosse Strategie

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Titel
Lokale Interessen und große Strategie. Das Fürstentum Neuchâtel und die politischen Beziehungen der Könige von Preußen (1707-1806)


Autor(en)
Weber, Nadir
Reihe
Externa 7
Erschienen
Köln 2015: Böhlau Verlag
Anzahl Seiten
656 S.
von
André Bandelier

Nadir Weber entre immédiatement et concrètement dans son sujet en évoquant la mission de l’envoyé de Prusse, Louis de Marval, en avril 1792. Il clôt son ouvrage cycliquement en reprenant le même épisode. Chargé de sonder les Confédérés en vue d’une alliance anti-française, le Neuchâtelois se préoccupe davantage d’obtenir l’inclusion de la Principauté dans la neutralité helvétique. Il est alors blâmé d’avoir outrepassé ses instructions, mais, plus intrigant, décoré sitôt après. Ainsi, attaché à faire mieux comprendre l’interdépendance des politiques intérieure et extérieure et à éviter l’écueil de sous-estimer la participation des sujets aux affaires publiques, l’auteur illustre d’emblée le regard novateur qu’il porte sur la diplomatie prussienne au XVIIIe siècle, au moment de l’accession de la Prusse au statut de grande puissance. C’est aussi une des dernières manifestations de ce que Weber appelle la diplomatie combinée entre Berlin et Neuchâtel (allemand, zusammengesetzte Diplomatie), coexistence d’une diplomatie de cour et d’une diplomatie déléguée, comme le révèlent, au début du XIXe siècle, le rappel de Paris de Sandoz-Rollin d’abord et ensuite l’échange de Neuchâtel contre le Hanovre au traité de Paris.

Dès lors, l’intérêt de l’historien local est partagé entre celui porté au renouvellement de l’histoire de la diplomatie à l’âge classique et celui réservé aux approfondissements des rapports entre Berlin/Potsdam et Neuchâtel. Pour ma part, dans une somme extrêmement riche, j’essaierai d’expliciter d’abord un concept qui tend à se libérer d’une diplomatie prétendument « absolutiste » et qui n’est pas sans conséquence pour une vue renouvelée de l’histoire neuchâteloise. Puis, avec l’optique plus limitée d’un Jurassien de Neuchâtel, je donnerai une approche prudente des événements et des hommes, des applications du concept à la Principauté.

Fondamentale reste l’attention portée à l’interaction et à la confrontation entre les autorités et des sujets représentés par les élites locales dans une monarchie composite, conglomérat de territoires hétéroclites dans leur rapport au souverain et à la cour, Neuchâtel, cas périphérique, étant caractérisée par son éloignement, sa relative autonomie et la faiblesse du pouvoir de ses souverains sur cette terre, sa situation frontière. Au premier abord, la Principauté acquise en 1707 par les Hohenzollern pèse peu sur l’essor de la puissance prussienne et sur la formation étatique coercitive impliquant les seules provinces du noyau prussien. En revanche, sa condition de marche intensifie les relations de la Prusse avec la cour de France et la Confédération des treize cantons, voire produit un autre aspect des relations extérieures de la monarchie prussienne, largement ignorée de la bibliographie relative à cet Etat.

D’une part, cette histoire a ses héros, des Neuchâtelois francophones au service des rois de Prusse, diplomates qu’on trouve à Versailles et auprès des cantons suisses, mais aussi à Londres, à Madrid ou à Turin, les Jean de Chambrier, David-Alphonse de Sandoz-Rollin, Jean-Henri Andrié ou Jean-Pierre de Chambrier d’Oleyres. On y souligne l’importance des réseaux, de la parenté, des amitiés, des patronages et le nombre important de ces envoyés, conseillers de légation, agents consulaires, secrétaires. D’autre part, malgré l’absence d’études parallèles, Weber n’hésite pas à suggérer que Neuchâtel ne constitue pas un cas d’espèce, mais illustre sans doute un paradigme partiellement généralisable : historiquement, à la diplomatie des XVIe et XVIIIe siècle en premier lieu ; géographiquement au XVIIIe secondement. L’auteur pense notamment au caractère composite de la monarchie espagnole, mais aussi
aux provinces occidentales sous souveraineté prussienne, par exemple la rincipauté d’Ostfriedland, dont les privilèges étaient garantis par les Provinces unies ou le Hanovre aux mains de la monarchie britannique.

Mener une telle étude suppose d’entrer dans les coulisses de la diplomatie. Weber a pu s’appuyer sur une impressionnante palette de sources allemandes, françaises et suisses, Neuchâtel étant notamment intéressée par le recours à des sources longtemps difficiles d’accès, pour des raisons diverses, dans ses rapports avec Berlin (Geheimes Staatsarchiv Preussischer Kulturbesitz, à Berlin-Dahlem ; archives d’Orange, du Directoire général et du Département pour Neuchâtel) et dans ses résonances locales (en particulier, les Archives de famille de Chambrier, à Cormondrèche). Succession de 1707 et dangers extérieurs conjurés, service mercenaire peu entravé par « l’union personnelle » avec les souverains de Prusse, possibilités des acteurs institutionnels locaux, Quatre-Ministraux et maîtres-bourgeois de Valangin, de correspondre avec leurs combourgeois ou des puissances extérieures, influence conservée de LL. EE. de Berne, appui de la cour pour l’économie neuchâteloise, résistance aux velléités prussiennes de tirer davantage de ressources du pays, « parti » français à Neuchâtel, les sujets de réflexions, de confrontations ne manqueront pas aux historiens neuchâtelois soucieux de voir leur histoire sondée à l’aune de plus grands espaces.

L’appareil critique les y incite de manière indirecte : passer par les précieux index des personnes et des lieux pour des lectures sélectives. Editeur de la correspondance de l’auteur du Droit des gens avec le secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences de Berlin (Emer de Vattel à Jean Henri Samuel Formey, Paris, 2012), je mesure pleinement tout ce qu’aurait pu m’apporter la connaissance de cet ouvrage fondamental. J’aurais ainsi évité de mélanger les apports fondamentaux des Culemann oncle et neveu, respectivement Wilhelm Heinrich (mort en 1746) et Friedrich Wilhelm (mort en 1760), personnages centraux pour les Neuchâtelois en quête de reconnaissance en leur qualité de secrétaire de la Succession d’Orange (allemand, « Sekretär der Oranischen Expedition »). Si on doit au premier la défense de Neuchâtel contre les velléités de céder le pays dans les années 1730, on trouve chez Weber la confirmation que le second, peu rémunéré, dénoncé au Roi par Jean-Henri Andrié, était corruptible. Même les hochets de la vanité, au-delà des qualités dont il fallait faire la preuve, ne s’obtenaient pas sans espèces sonnantes et trébuchantes. Je n’avais pas mesuré non plus à quel point l’envoyé saxon auprès de LL. EE. de Berne, Emer de Vattel, domicilié à Neuchâtel, s’était brouillé à la fin des années 1750 avec le gouverneur Keith, qui le considérait comme « le boutefeu de toutes les brouilleries depuis peu ici ». Au point qu’on avait menacé son ami de toujours Frédéric Samuel Ostervald, le défenseur des libertés de la ville (Culemann : « Je m’en souviendrois en temps et lieu » !), et qu’on avait envisagé de bannir Vattel, après sa protestation contre l’invasion de la Saxe. Le fait qu’on n’ait pas pu le faire, est aussi à mettre en perspective dans les rapports complexes de Neuchâtel avec Berlin. Amateurs ou professionnels de l’histoire neuchâteloise ne peuvent ignorer dorénavant l’ouvrage de Nadir Weber, certes d’abord une réflexion originale sur la diplomatie sous l’Ancien Régime, mais aussi un livre truffé d’informations propres à renouveler nos connaissances des localités.

Zitierweise:
André Bandelier: Rezension zu: Nadir Weber: Lokale Interessen und grosse Strategie. Das FürstentumNeuchâtel und die politischen Beziehungen der Könige von Preussen (1707-1806), Köln, Weimar, Wien, Böhlau Verlag, 2015. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 1-2, 2018, pages 99-101.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique neuchâteloise, Vol. 1-2, 2018, pages 99-101.

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